lundi 3 novembre 2008

Comment l'on devient bibliophile ou bibliomane. Vice ou vertu ?



Le Bibliomane de la Charles Deering Library Northwestern University
(Illinois, USA)

détail d'un vitrail (1931-1933) par G. Owen Bonawit

Chers amis,

de bibliophile à bibliomane il n'y a bien souvent qu'un pas. Certains se refusent pourtant à le faire. D'autres le font avec joie et allégresse. Qu'importe, le principal étant que le bonheur et le bien être soient au bout du chemin de chacun.

Je ne reviendrai pas dans ce billet au distinguo qui fait le bibliophile ou le bibliomane, certains donnant à l'un ou à l'autre plus de considération, selon, le plus souvent, le camp même auquel il appartient ou croit appartenir.

Dans les deux cas l'amour des livres est l'élément central, l'amour du livre à la fois en tant qu'outil de lecture et objet de contentement. En effet, un amoureux des textes seulement, qui ne montrerait aucune sensibilité aux éléments matériels du livre (papier, caractères, reliure, illustrations, etc), s'appelle un lecteur, et rien d'autre.

Pour être bibliophile ou bibliomane il faut cette petite (ou énorme) chose en plus qui vous fera vibrer devant une belle reliure, qu'elle soit de percaline décorée à la plaque (livres romantiques par exemple) ou bien de maroquin rouge ancien. Vibrer devant une édition originale de Molière, Corneille, mais aussi vibrer à la découverte d'un auteur inconnu ou méconnu et dont vous pensez vraiment que le texte méritait meilleure considération de la part de vos aïeux bibliophiles. Cette émotion devant le livre est un des points de départ de l'aventure bibliophilique. Elle ne fait que commencer.

Ajoutez à ces premiers émois une bonne dose de curiosité, une large mesure de passion et une patience et une persévérence de tous les instants dans votre quête du livre convoité, et vous serez non loin de la frontière bibliophilique voire bibliomaniaque.

J'allais oublié un élément essentiel, le parfum des vieux livres. Je ne parle pas de ces odeurs acres et parfois nauséabondes de livres oubliés, délaissés, torturés dans un fonds de grenier ou un coin sombre de cave humide, non, je veux parler des ces délicats fumets qui s'exhalent des livres soigneusement rangés pendant des siècles sur les étagères de cèdre ou d'acajou. Livres encore chargés aujourd'hui des parfums de tabacs subtils ou de fumées de cheminées qui donnent aux pages anciennes qui nous passent alors entre les mains, ce sentiment d'être un instant transporté plusieurs siècles en arrière.

La bibliomanie, la bibliophilie sont sans doute des maladies, souvent graves, car la bénignité en l'espèce serait un mal trop doux pour celui qui cherche, creuse, fouille, souffre, désespère, se voit transporté en mille paradis, en mille pays de fantômes historiques. Le bibliophile ne se soigne pas, il ne cherche pas à guérir. C'est son mal, c'est sa croix ! C'est ainsi.

Évidemment, vous me direz que ma vision est extrême, que d'aucuns vivent au milieu des livres comme ils vivraient au milieu d'une forêt dont ils admirent les arbres, un à un, patiemment, en pur plaisir contemplatif et sans souffrance. Heureux hommes ! Je n'arrive pas à vivre au milieu de ce harem papetier sans en sentir toutes les forces qui me poussent à ne plus en connaître même le but ultime. Quel but ? Plaisir ? Satisfaction ? Simple réjouissance de l'esprit ?

Je laisse aux hommes sages la sagesse de ne pas devenir bibliomane et de n'être qu'à peine bibliophile. Qu'ils sont heureux ! Mais peut-on être passionné à demi ? Comme un demi-maroquin ou un demi-chagrin ? Une frustration en somme.

Finissons par quelques mots sagement pensés par Confucius (cet éternel gentil qui parfois nous agace) :

"L'homme sage apprend de ses erreurs, l'homme plus sage apprend des erreurs des autres".

Ce précepte a sa valeur, même en bibliophilie, c'est certain. Suivons-le !

Amitiés bibliomaniaques,
Bertrand

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