jeudi 30 septembre 2010

La bibliomanie : pathologie expliquée par le bon docteur Descuret en 1841. Le cas du notaire Boulard pris pour exemple.


Le bibliomane vu par J.-J. Grandville.


Je viens de recevoir un volume que j'attendais avec une certaine curiosité. Fort volume de format in-8 de plus de 760 pages ! Sur la couverture on lit : La médecine des passions ou les passions considérées dans leurs rapports avec les maladies, les lois et la religion. Par J.-B. F. Descuret, docteur en médecine et docteur es Lettres en l'Académie de Paris, médecin du bureau de bienfaisance du XIIe arrondissement. Ce volume porte l'adresse de Béchet Jeune et Labé, libraires de la faculté de médecine, place de l'école de médecine, 4 et chez Périsse à Paris et à Lyon. Octobre 1841.

Ce copieux volume écrit avec soin par le Tissot du XIXe siècle, comme il a été écrit par un commentateur de l'époque, après avoir traité des passions en général, leurs causes, leur traitement, leurs conséquences sur la santé du corps et de l'esprit, en vient au sujet qui nous intéresse : Chapite XIX - Manie des collections (p. 751) : sous-titre un peu plus loin : De la bibliomanie. Nous y sommes ! Le Bibliomane est un malade ! Étudions-le ! Soignons-le !

Mais voyons ce qu'en dit précisément notre bon docteur :

"De la bibliomanie. — Gardons-nous de confondre avec les bibliomanes ces hommes doués d'esprit et de goût qui n'ont des livres que pour s'instruire, que pour se délasser, et qu'on a décorés du nom de bibliophiles. «Du sublime au ridicule, dit un spirituel amateur de livres, il n'y a qu'un pas ; du bibliophile au bibliomane, il n'y a qu'une crise. » Le bibliophile devient souvent bibliomane quand son esprit décroît, ou quand sa fortune augmente, deux graves inconvénients auxquels les plus honnêtes gens sont exposés ; mais le premier est bien plus commun que l'autre. «Le bibliophile, ajoute M. Charles Nodier, sait choisir les livres ; le bibliomane les entasse : le bibliophile joint le livre au livre, après l'avoir soumis à toutes les investigations de ses sens et de son intelligence ; le bibliomane entasse les livres les uns sur les autres, sans les regarder. Le bibliophile apprécie le livre, le bibliomane le pèse ou le mesure; il ne choisit pas, il achète. L'innocente et délicieuse fièvre du bibliophile est, dans le bibliomane, une maladie aiguë poussée jusqu'au délire. Parvenue à ce degré fatal, elle n'a plus rien d'intelligent, et se confond avec les manies. » S'il m'était permis d'ajouter un dernier trait pour résumer ce judicieux parallèle, je dirais que le bibliophile possède des livres, et que le bibliomane en est possédé. Parmi toutes les manies de collections, celle des livres m'a paru tout à la fois la plus répandue, la plus séduisante, et la plus lentement ruineuse. Je me bornerai à en citer un exemple. C'est celui d'un collectionneur pur sang, et parfait homme de bien ; homme rare dans son espèce, qui n'aurait pas même soustrait un Elzévir à dix huit lignes de marge, qui poussait la délicatesse jusqu'à rendre fidèlement les moindres livres qu'on lui prêtait, et à qui il n'est jamais entré dans l'esprit de dépareiller un bon ouvrage, dans l'espoir de l'acheter un jour à vil prix. M. Boulard, homme de goût et littérateur instruit, avait acquis une grande fortune dans le notariat, qu'il exerça à Paris pendant de longues années et de la manière la plus honorable. Bien différent des notaires de notre époque, M. Boulard n'était pas un homme du monde ; c'était l'homme de son étude, le guide, l'ami de ses clients ; et il ne se décida à quitter sa charge que lorsqu'il put la transmettre - à un fils qui héritait de son intelligence, de son zèle et de ses vertus. Jusqu'alors M. Boulard avait cru devoir faire le sacrifice d'un goût prononcé qu'il avait pour les livres ; mais dès qu'il se vit maître de sa personne et de son temps, il ne songea plus qu'à se former une collection d'ouvrages rares et curieux. Le voici donc à l'œuvre, passant une partie de ses journées chez les grands libraires, et l'autre chez les bouquinistes, feuilletant, flairant, mesurant et achetant toujours les éditions rares, les bonnes éditions, les seules où se trouve la faute, la bienheureuse faute, étoile polaire des vrais amateurs. Les anciens de la librairie assurent ne l'avoir jamais vu rentrer chez lui sans rapporter sous le bras plusieurs volumes. Du reste , ses nombreux achats étaient toujours payés comptant, et, au bout de quelques années, il était considéré dans tout Paris comme la seconde providence des bouquinistes. A ce train, les rayons qui tapissaient tout son appartement furent bientôt remplis, et il fallut de toute nécessité songer à préparer de la place pour les acquisitions futures. En femme prudente et économe, madame Boulard avait maintes fois conseillé à son mari de se mettre à lire avant de continuer d'acheter ; mais ce conseil, tout au plus bon pour un bibliophile, n'était nullement du goût de notre bibliomane. Les nouveaux volumes , qui depuis quelque temps arrivaient par masses, par toises carrées, furent donc mis en pile devant la bibliothèque, désormais inabordable, et jusque dans la chambre à coucher, convertie un beau jour en quatre grandes rues, toutes garnies de rayons. Cependant M. Boulard devenait moins aimable et plus mystérieux. Le matin, il commençait ses excursions beaucoup plus tôt qu'à l'ordinaire, à une heure où les libraires ne sont pas encore ouverts, ni les bouquinistes étalés ; il lui arrivait assez souvent de ne pas venir déjeuner ; il ne rentrait plus dîner que fort tard ; un jour même, il ne rentra ni diner ni coucher. En vain madame Boulard, alarmée, presse son mari de questions sur cette conduite scandaleuse : il s'obstine à garder le silence ou ne fait que des réponses évasives. Dès ce moment on suit tous les pas, on épie toutes les actions de ce mari dérangé, et l'on ne tarde pas à apprendre que depuis quelque temps il passe des journées entières dans une de ses maisons dont il avait successivement congédié tous les locataires, et qu'il venait de métamorphoser en une vaste bibliothèque. Quant à la nuit que l'époux avait oubliéde passer sous le toit conjugal, c'était précisément celle pendant laquelle il rangea trois voitures de livres, dont il n'avait pas osé avouer avoir fait accidentellement l'acquisition. On s'explique alors, on pleure de part et d'autre, et l'on finit par signer la paix : mais à quelle condition ? Notre bibliomane s'est engagé sur sa parole d'honneur, sur sa foi d'ancien notaire, à commencer immédiatement son catalogue, et à ne plus acheter un seul volume sans l'autorisation expresse de madame. Fidèle à ses promesses, l'honnête, le vénérable M. Boulard se met à l'ouvrage ; il sort encore assez fréquemment, il est vrai, mais ce n'est plus que pour visiter ses anciennes galeries, et jamais pour acheter. Quelques mois après cette courageuse résolution, sa santé commença à décliner ; il perdit peu à peu l'appétit et les forces, il commença à maigrir ; son caractère, autrefois aimable et enjoué, devint tout à fait sombre et mélancolique ; enfin, miné sourdement par une fièvre nerveuse , il finit par ne plus pouvoir quitter le lit. Alors seulement le médecin qui lui donnait des soins soupçonna que cette fièvre consomptive pourrait bien provenir d'une espèce de nostalgie, de l'ennui qu'éprouvait le malade de ne plus acheter de livres ; et, de concert avec madame Boulard, il s'avisa du stratagème suivant : un brocanteur vient étaler dans la rue quelques centaines des volumes devant la fenêtre du bibliomane ; puis, à un signal convenu, il se met à vendre ses livres à lu criée, attirant les passants par les éclats de sa voix forte et sonore. «Qu'y a-t-il là? demande M. Boulard à sa femme. — Rien, mon ami ; c'est un revendeur qui cherche à se défaire de quelques vieux livres. » Ici un profond soupir s'échappe de la poitrine du malade : « Si je pouvais au moins aller les voir! il me semble que le grand air me ferait du bien. — Si tu veux t'habiller et prendre mon bras, nous essayerons de descendre ; et, ma foi ! pour aujourd'hui, je te permets d'acheter les volumes qui te conviendront. » Ces derniers mots sont à peine prononcés, que le malade saute à bas du lit ; en un instant il est habillé, et, malgré son état de faiblesse, il descend assez facilement l'escalier. Arrivé auprès du bouquiniste, il quitte le bras de sa femme, et la force à remonter chez elle. Alors, l'œil humide de joie, un genou en terre, il parcourt rapidement tous les ouvrages, il les ouvre, les referme, les ouvre encore, pour les palper plus longtemps. La plupart sont bons, quelques-uns même sont assez rares : lesquels doit-il acheter ? Dans l'embarras du choix, il les achète tous. Le lendemain matin, notre bibliomanc était sensiblement mieux ; il avait passé une nuit excellente ; un air de sérénité brillait sur chacun de ses traits, et la convalescence ne se fit pas attendre longtemps. Grâce à de semblables permissions, qu'il fallut renouveler assez fréquemment, M. Boulard parvint a une assez longue carrière. On le voyait encore, à soixante-quinze ans, cheminer sur les quais, enveloppé d'une immense redingote bleue, ses vastes poches de derrière chargées de deux in-4°, et celles de devant d'une dizaine d'in-18 ou d'in-12 : c'était alors une vraie tour ambulante ; mais il trouvait son fardeau agréable , et pour tout l'or du monde il n'eût pas consenti à en être soulagé. Hélas tout finit ici-bas. Le 6 mai 1825, le bon M. Boulard eut le regret de quitter la vie sans pouvoir emporter ses six cent mille volumes (1). Deux mois après, on les vendait à vil prix. Encore quelques années d'existence, et, malgré son immense fortune, il serait très-probablement mort dans un état voisin de la misère. Cette observation, qui nous a paru intéressante sous le rapport médical, ne l'est pas moins au point de vue religieux. Au moment de la vente de M. Boulard, on pénétra difficilement dans une pièce dont la porte était barricadée, et que l'on trouva toute remplie des ouvrages les plus immoraux et les plus obscènes. L'homme religieux ne les avait achetés que pour les livrer aux flammes : sa passion dominante lui en fit retarder indéfiniment le trop pénible auto-da-fé.

(1) Après la vente de M. Boulard, les étalagistes de Paris furent tellement encombrés, que pendant plusieurs années les livres d'occasion ne se vendaient plus que la moitié de leur valeur habituelle.

Personnellement j'adore cette première phrase : "Gardons-nous de confondre avec les bibliomanes ces hommes doués d'esprit et de goût qui n'ont des livres que pour s'instruire (...)" Si je me sentais l'âme du satiriste Nicolas Boileau j'aurais envie de la parodier en écrivant : "Gardons-nous de confondre avec les maris volages ces hommes doués d'esprit et de goût qui n'ont des femmes que pour leur faire des enfants (...)".

Ce bon Docteur Descuret me fait bien rire par mille autres petits aspects de son livre désuet (la masturbation rend lycanthrope, le libertinage conduit au meurtre et à la misère, l'ivrognerie même ponctuelle rend les femmes faciles, etc.)

J'ai acheté ce livre 15 euros dans sa version brochée d'époque, grandes marges, bon état général. Je ne suis pas déçu. Je vais approfondir quelques chapitres pour lesquels je pourrais bien être l'acteur involontairement mis en scène...

Bonne journée,
Bertrand Bibliomane moderne

PS : Je viens de m'apercevoir que j'avais déjà commis un billet concernant le bibliomane Boulard. Cliquez ICI pour lire.

mercredi 29 septembre 2010

Le Bibliomane a retrouvé le curé Jean-Baptiste Couché, lecteur de profane !


La bibliophilie est bien souvent source de grandes découvertes... ou pas ! Cette semaine je me suis penché sur un ex libris manuscrit qui se trouvait dans un des volumes que j'étais sur le point de cataloguer : "Mémoires de Madame de Saldaigne, écris par elle-même, et donnés au public par M. D. V ***. (1)" Première et deuxième partie. Ouvrage publié à l'adresse de Londres, sans nom d'éditeur, sous la date de 1745. Un ouvrage inconnu du grand public, donc mineur. Enfin, c'est ce qu'il parait.

Le volume est dans sa reliure de l'époque en veau décoré. Bel exemplaire, très bien conservé. Sur la première garde blanche on peut lire l'ex libris manuscrit suivant :


"Ex libris Ioannis Bapt. Couché Presbiteri" ou De la bibliothèque de Jean-Baptiste Couché, prêtre. Qui pouvait bien être ce Jean-Baptiste Couché, prêtre de son état, qui lisait les Mémoires profanes de Madame de Saldaigne, aux environs de 1750 ou quelques années après ? Un anonyme qui devait le rester, probablement.

Eh bien non ! Le Bibliomane moderne croit avoir retrouvé le curé Jean-Baptiste Couché. Voyez plutôt !


Recueil de la Commission des arts et monuments historiques de la Charente-inférieure, vol. 11, p. 333.


24 décembre 1767 - Prise de possession du prieuré Saint-Pierre de Bougnaud par Messire Jean-Baptiste Couché, prêtre du diocèse d'Angoulême, pourvu en cour de Rome du prieuré simple de Bougniau (2) vulgairement de Bougnaux ou de Bouniou, ordre de Saint-Benoist. (Min. Barbot).


Voilà qui nous éclaire ce bon curé Couché ! lecteur ecclésiastique et néanmoins amateur de profane, dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Peut-on en savoir plus ? Sans doute. Il faudrait maintenant qu'il a été localisé avec précision, faire sa généalogie ascendante, son histoire. Mais ceci est une autre histoire. Je voulais vous montrer par ce petit billet sans prétention que l'on peut retrouver pas mal de choses grâce à seulement quelques mots... et à la numérisation des documents (merci Google books !)

Voici prises sur le vif à plus de deux siècles de distance, les amusants d'un curé de campagne, lecture de détente après la messe ou goût prononcé pour les intrigues amoureuses et les galanteries du XVIIIe siècle décadent ?? A voir... J'ai hâte de dénicher mon premier curiosa avec ex libris manuscrit ... ex libris ... presbiteri ... Il n'y aucun doute qu'il doit en exister pléthore.

Si vous vous sentez l'envie de poursuivre la recherche... n'hésitez pas à nous faire part de vos découvertes.

Bonne journée,
Bertrand Bibliomane moderne

(1) Ce roman pseudo-historique, soit disant issu de souvenirs personnels de Madame de Saldaigne, semble être de pure invention. Il serait d'Adrien de la Vieuville d'Orville de Vignacourt.

(2) il doit s'agir du village actuellement orthohraphié Bougneau, situé à une soixantaine de kilomètres d'Angoulême. Cette toute petite commune compte à peine plus de 500 âmes aujourd'hui, peut-être à peu près le même nombre au milieu du XVIIIe siècle.

mardi 28 septembre 2010

Paul Gavarni (1804-1866) n'a pas croqué que des Lorettes ! ... des bouquineurs aussi.


L'iconographie bouquinière comme l'aurait dit l'Octave est sans doute l'un des premiers moteurs des syndromes bibliomaniaco-addictifs ! Et je le prouve !

Je reviens à Gavarni (lire les derniers billets du Bibliomane moderne sur quelques unes de ses œuvres) avec deux très jolies lithographies. Non, Gavarni n'a pas croqué que des Lorettes, des filles des rues, des bourgeoises endimanchées, des gueux ou les aristocrates philippards et post-philippards ! Non, il a aussi, et à vrai dire cela ne fait pas bien longtemps que je l'ai découvert, aussi croqué le bouquineur. Et par deux fois au moins ! Voici le détail.

En effet, en parcourant l'ouvrage de Paul-André Lemoisne, Gavarni peintre et lithographe, publié à Paris chez H. Floury en 1928, mes yeux se sont arrêtés nets sur les reproductions de lithographies qui se trouve aux recto de la page 218 et en face de la page 222. La première que je reproduis ci-dessous représente un pauvre hère passant devant une boîte de bouquiniste des quais et dit : - Si je savais lire, je voudrais jamais lire dans des vieux livres imprimés comme ça. Cette lithographie est extrait de l'album intitulé D'après nature et publié en 1858.


La deuxième lithographie, que je reproduis ci-dessous, représente un homme d'une soixantaine d'année, coiffé d'un chapeau noir haut de forme, un livre sous le bras et les mains plongées dans la boîte à 50 centimes. Elle est simplement titrée : Une orgie. Cette lithographie a paru dans le même album que la précédente (D'après nature, 1858).


L'album D'après nature fait partie des dernières série lithographiques de l'artiste, avec Les parisiens, Physionomies parisiennes et Par-ci, par-là). Gavarni avait perdu son fils Jean le 22 juin 1857 des suites de fièvres faisant suite à une hémorragie nasale (sans doute un accident vasculaire cérébral). Jean était un enfant. Gavarni ne se remit jamais complètement de ce décès. Il s'isola de plus en plus mais dans un sursaut donna successivement ces albums de lithographies en moins de deux ans. D'après nature contient 40 lithographies dessinées entre 1857 et 1858. M. Lemoisne écrit : "Séries qui contiennent peut-être, si l'on se place au seul point de vue du dessin, quelques-uns des chefs d'œuvre de notre artiste." Il poursuit :

"Les lithographies de ces séries représentent pour la plupart des personnages en pied, souvent isolés, synthétisant ces types parisiens que l'artiste aime à étudier, à creuser, à nous rendre dans toute la véracité et tout l'esprit de son analyse. D'un admirable dessins large, souple, puissamment modelées dans les gris sourds et les blancs lumineux, exécutées avec aisance, ces images de petits bourgeois, de boutiquiers, d'ouvriers, d'artistes, de femmes du peuple ou de mondains, resteront inaltérablement vivants et exacts, tant ils sont la représentation de chacune de leurs classes, de leurs métiers, de leurs occupations, de leurs préoccupations même. Tout cela dans leur cadre propre; dans une atmosphère qui, bien qu'indiquée en quatre coups de crayon, aide si bien à les situer, à les commenter pour ainsi dire." (p. 214)

Lemoisne commente ainsi la lithographie intitulée Une orgie : "Ce sont aussi les impressions reçues en passant : le vieux savant heureux de puiser dans la boîte du bouquiniste des quais et faisant "une orgie" de volumes à 50 centimes." et comme la première : "le flâneur, travailleur manuel le considérant d'un aire dédaigneux et déclarant : "Si je savais lire (...)".

Je ne sais pas si Paul Gavarni a croqué au cours de sa carrière de dessinateur lithographe d'autres types bouquiniers, je n'en ai pas trouvé d'autres. D'ailleurs je ne possède pas l'album D'après nature (que je recherche en bon état...). Et vous ? En savez-vous plus ? Avez-vous croisé sur votre chemin d'autres types bouquiniers par Gavarni ?

PS : inutile de vous dire que je suis acheteur de ces deux lithographies, même seules, en noir et mises en couleurs et gommées à l'époque...

Bonne journée,
Bertrand Bibliomane moderne

dimanche 26 septembre 2010

Continuons à détourner les admirables dessins de J.-J. Grandville.


Pour les plus fidèles d'entre vous, il sera facile de retrouver dans les archives du Bibliomane moderne cette illustration due au talent de J.-J. Grandville. Je l'ai en effet déjà publiée dans les premiers temps du blog. Je profite de la dynamique du message d'hier (L'âne bibliomane ou J.-J. Grandville détourné.) pour vous le servir à nouveau. Je ne me risquerai pas à le légender moi-même pour le moment, je laisse votre imagination faire le travail.


Quelle légende donneriez-vous à cette jolie illustration ?

Bon dimanche,
Bertrand Bibliomane moderne

samedi 25 septembre 2010

L'âne bibliomane ou J.-J. Grandville détourné.


Aujourd'hui je vous la fais courte, ce qui vous laisse le temps de poursuivre vos investigations concernant les notes manuscrites sur l'Âne d'Or d'Apulée de notre ami Textor. Vous allez trouver, j'en suis certain.

Et puisque nous parlons d'âne, je me contenterai aujourd'hui de vous en montrer un. Un âne bibliomane ! Enfin presque... En fait vous avez ci-dessous le tirage sur blanc de la gravure su bois qui a été faite d'après le dessin de l'excellent J.-J. Grandville, de son vrai nom Jean Ignace Isidore Gérard (1803-1847), dessinateur caricaturiste de génie bien connu des amateurs d'illustrés du XIXe siècle. Spécialiste de la caricature de l'homme en animal sous tous ses travers. Mais ce n'est pas ici le lieu ni le moment pour se lancer dans un panégyrique de l'artiste, panégyrique qu'il vous sera d'ailleurs très facile de retrouver sur divers sites internet. Non, ici, comme je vous le disais, je vous montre un âne... bibliomane. Pas tout à fait puisque c'est moi qui détourne le dessin de Grandville dont la légende est : "Les savants envoyèrent un académicien armé de ses ouvrages.". De mon côté j'aurais donné cette légende qui me plait bien : "un érudit revient de chez ses amis les libraires de livres rares."


Et vous ? Quelle légende auriez-vous donné à ce dessin ?

Si le jeu vous amuse, je continuerai régulièrement à vous proposer des images sans paroles qui nous permettront de tester votre inventivité.

Bon samedi,
Bertrand Bibliomane moderne

vendredi 24 septembre 2010

Une traduction de L'Âne d’Or d’Apulée (1553).


Bertrand
a récemment publié quelques témoignages émouvants sous forme de lettres rédigées par nos ainés-bibliophiles, comme une façon de se rapprocher d’eux. Cela m’a incité à ressortir un exemplaire de l’Âne d’Or d’Apulée, imprimé à Lyon par Jean de Tournes et Guillaume Gazeau (1), contenant des notes manuscrites sur les recherches faites au XVIIIe siècle par un bibliophile anonyme. (Enfin, anonyme jusqu’à ce que vous me donniez son nom !).

Fig 1 L’Asne d’or


Fig 2 Page de titre


Fig 3 Notes d’un bibliophile du 18ème siècle.


Je retranscris : «Observations sur cette édition de 1553. La Croix du Maine et du Verdier, Bibliothèque Française, ont annoncé que cette version de l’Asne d’Or d’Apulée était la première qui avait paru puisque celle de Jean Louveau n'a été imprimé qu'en 1558. Ce livre dit M. debayle, dictionnaire, au nom Apulée est une satire continuelle des désordres, dont les magiciens, les prêtres, les impudiques et les voleurs remplissaient alors le Monde.(2) Les chercheurs de la pierre philosophale prétendent y trouver les mystères du grand œuvre. L’épisode de Psyché qui commence à la page 178 et finit à la page 338 a fournit la matière d’une excellente pièce de théâtre à molière et d’un joli roman à M. de la fontaine. Cette version est très rare. Voyez au surplus la note R (?) de du bayle et marchand, tome 2 page 68 Voyez encore la Bibliothèque des romans de linguet dufrenoy tome 2 page 17. »

Si notre bibliophile s’est quelque peu trompé - nous savons aujourd’hui que la première traduction française est de Guillaume Michel de Tours, datée de 1522 - il est exact que la version de Georges de La Bouthière (1553) précède celle de Jean Louveau, laquelle précède celle de Jean de Montlyard (« préférée malgré la rudesse de son style » Brunet).


Fig 4 1 volume in-16 (11,5 x 7 cm), qui se donne des airs d’in-folio !



Fig 5 La Fuite des brigands


Fig 6 la Ruade


Composé au début du IIe siècle par Apulée de Madaure (125-170), les Métamorphoses ou l'Âne d'Or relate les aventures à rebondissements de Lucius, un jeune homme qui, trop curieux des mystères de la magie, voulait devenir oiseau et se retrouve métamorphosé en âne. Il devient le compagnon d'infortune d'une bande de brigands pour finir, après moult péripéties, par retrouver sa forme humaine grâce à l’initiation aux mystères d’Isis.

Comme le dit la fiche du bibliophile anonyme, le récit renferme la fable mythologique des amours de Psyché et Cupidon, dont c'est la plus ancienne occurrence écrite. Ce mythe évoque l'union surnaturelle d'une femme et d'un monstre, contrariée par la transgression d'un interdit qui conduit à la perte de l'époux puis à sa recherche à travers de nombreuses épreuves. Il a fourni la matrice de très nombreuses versions dont Le Serpentin vert (Mme d'Aulnoy) ou La Belle et la Bête (Mme Leprince de Beaumont).

Fig 7 Cupidon et Psyché


"Ce livre est un chef-d'œuvre. II me donne à moi des vertiges et des éblouissements; la nature pour elle-même, le paysage, le côté purement pittoresque des choses sont traités là, à la moderne, et avec un souffle antique et chrétien tout ensemble qui passe au milieu. Ça sent l'encens et l'urine, la bestialité s'y marie au mysticisme, nous sommes bien loin encore de ça nous autres comme faisandage moral." (Gustave Flaubert, 1852).

Aujourd’hui, c’est l’image du monde antique qu’il nous livre qui retient l’attention ; on y voit l'audace des brigands, la fourberie des prêtres d'Isis, l'insolence des soldats sous un gouvernement violent et despotique, la cruauté des maîtres, la misère des esclaves….

Fig 8 La Métamorphose de Pamphile en chat huant.


Fig 9 Le banquet


Il faut cependant dire que les interprètes modernes ne sont pas parvenus à s'entendre sur la signification profonde de l’œuvre. Si Apulée a voulu transmettre à ses lecteurs un «message», nous ne sommes pas certains de l'avoir découvert !! Récit initiatique, éminemment poétique, mais aussi symbolique et mystique pour les uns, grosse farce sans prétention, imitée de Lucius de Patras, pour les autres, chacun son interprétation…

Pour pimenter l’ouvrage (et par voie de conséquence cet article) Jean de Tournes a eu l’idée de demander à son illustrateur préféré de graver sur bois une soixantaine de vignettes. Bernard Salomon, la figure emblématique de la gravure sur bois lyonnaise entre 1540 et 1560, a exécuté la série sans trop de soin, mais l’effet reste plaisant pour l’œil.

Jean de Tournes tenait Bernard Salomon en grande estime et, fait rare à l’époque, l’imprimeur le cite dans une épitre introductive aux « Hymnes du Temps », en le qualifiant de Peintre, et non de simple tailleur d’image, et en le plaçant à égalité avec l’auteur, Guillaume Guéroult : « J’espère (lecteur) que tu prendras quelque délectation, pour estre le tout sorti de bonne main, car l’invention est de M Bernard Salomon, Peintre autant excellent qu’il y en ait point en cet hémisphère… ».

Cet artiste remarquable, peut-être élève de Jean Cousin, a été influencé par le maniérisme italien de l’école de Fontainebleau. Il a eu plusieurs disciples, dont Pierre Eskrich.

Je termine sur ces petits morceaux de bravoure qui ne font pas plus de 40x48 mm !

Fig 10 La bataille


Fig 11 L'attaque des paysans


Fig 12

Bonne journée !
Textor

Post scriptum :

Pour ne pas choquer Bertrand, j’ai du soustraire de cet article quelques âneries érotico-salaces mais je précise que Lucius doit à sa nature d’âne d’être passablement porté sur la culbute et je vous invite à aller le vérifier par vous-même dans la version intégrale de l’ouvrage !

Notes :

(1) In-16 de 646 (2) pp. Titre orné de la marque gravée (avec la devise "Rien par Trop") marque au v°, avec la devise de l'imprimeur : "Nescit Labi Virtus". mq 2 ff. Illustré de 64 jolies figures in-texte, à mi-page, gravées sur bois. Ex libris manuscrit de Lagombaude sur la dernière garde daté 1678.
(2) La version du dictionnaire de Du Bayle que j’ai trouvé en ligne, est la 5ème de 1715, donne p 300 : « Plusieurs critiques ont publié des notes sur Apulée. Je ne sache point qu'on ait d'autres traductions Françaises de l'Ane d'or qu'en vieux Gaulois. On a raison de prendre ce livre pour une satire continuelle des désordres dont les Magiciens, les Prêtres, les impudiques, les voleurs, &c. remplissaient alors le Monde » Notre bibliophile a donc du consulter une autre édition puisqu’il cite la page 68 du tome 2 et non la page 300.

mercredi 22 septembre 2010

Arthur Rimbaud : la photo qui parle. Alban Caussé et Jacques Desse ont les honneurs de la Revue des deux Mondes (septembre 2010).



Le Bibliomane moderne est heureux de diffuser avec l'autorisation de leurs auteurs, les nouvelles informations relatives à l'histoire de la photographie retrouvée d'Arthur Rimbaud à Aden.

Lisez plutôt.

Cinq mois après sa publication, la photographie de Rimbaud que nous avons retrouvée est devenue le plus documenté des neufs clichés connus où il apparaît.
  • Elle date d'août 1880, et donc des tous premiers jours de la nouvelle vie de Rimbaud.

  • Elle a été réalisée par l'explorateur Georges Révoil, qui a utilisé une technique toute nouvelle (c'est l'une des plus anciennes photos "instantanées" conservées en France).

  • Quasiment tous les personnages qui y figurent sont identifiés : ce sont des Français qui se trouvaient à Aden en même temps que Rimbaud, dont certains qui deviendront des proches.

  • Ce simple cliché, initialement anonyme, a permis de faire de nombreuses découvertes sur le milieu auquel a appartenu Rimbaud, et débouche sur un renouvellement de la connaissance de ses années "africaines".

Nous publions les résultats de ces recherches dans un important dossier documentaire, en ligne sur le site de la Revue des Deux mondes.

Consultation rapide : cliquer ici
Téléchargement du PDF : cliquer ici

Par ailleurs, le site Mediapart vient de publier un dossier qui fait le point sur cette photo :

Rimbaud plongé dans le révélateur

Actualité et derniers épisodes polémiques :
Chez les libraires associés - Rimbaud

CI-DESSOUS
Portrait de la compagne de Rimbaud (selon Ottorino Rosa, 1913)
Épreuve retrouvée dans les archives de Georges Révoil


Alban Caussé et Jacques Desse, Chez les libraires associés, 01 42 57 20 24

Ci-dessous, pour information derniers échos (hors ceux d'hier)


A suivre donc...

Bonne journée,
Bertrand Bibliomane moderne

mardi 21 septembre 2010

Albums de la Cathédrale de Chartres – Etienne Houvet et Yves Delaporte.


La cathédrale de Chartres, depuis le regain d’intérêt pour l’architecture du Moyen Age que connaît le XIXe siècle, a été l’objet de nombreuses études et projets de publications.


Jean-Baptiste Antoine Lassus est membre du comité des Arts et Monuments, depuis 1836, aux côtés de Prosper Mérimée et du baron Taylor. Ce n’est pas un novice : de 7 ans plus âgé qu’Eugène Viollet-Le-Duc, dont il est le mentor, il restaurera avec lui la Cathédrale Notre-Dame de Paris. Sur Chartres, il réalisera des restaurations, retrouvant notamment des éléments du jubé, et de nombreux dessins. Il sera nommé Architecte diocésain de Chartres en 1848. Aujourd’hui Lassus est inconnu du grand public, contrairement à Viollet-Le-Duc, sans doute à cause de son décès précoce (à cinquante ans) et au fait qu’il a beaucoup moins publié.

Le comité a le projet de publier une Monographie de la Cathédrale de Chartres. Cet ouvrage, entrepris en 1839, devait comprendre trois parties (un historique, une description iconographique et des planches) mais seules ces dernières seront publiées, à partir de 1842, en neuf livraisons, de 72 planches au total, au format grand in-folio (55x70cm).

Jean-Baptiste Lassus, Choeur de la cathédrale de Chartres, planche extraite de la Monographie de la Cathédrale Chartres, dimensions de la gravure 33 x 43 cm, dimensions de la feuille 48 x 56 cm.


Voici ce que dit Emile Mâle de cette publication :

« Jadis, le Ministère de l’Instruction publique commença, avec le concours de Lassus, de Didron, d’Amaury Duval, de Gaucherel et de beaucoup d’autres, un livre immense sur la Cathédrale de Chartres. Mais la tâche était si écrasante, il y avait tant de statues, tant de bas-reliefs, tant de vitraux à dessiner et à décrire que les collaborateurs sentirent leur courage défaillir. Le livre resta inachevé. »

C’était un ouvrage de spécialiste, pour spécialistes, resté inachevé.

En 1897, Etienne Houvet, un jeune homme de 29 ans qui voulait devenir frère convers chez les Dominicains, mais doit faire vivre sa famille, est engagé comme domestique à la Maîtrise de la cathédrale, puis sacristain de la crypte. En 1906 il devient sacristain de la cathédrale, et guide officieux. Pour renseigner les nombreux visiteurs, il lit tout ce qu’il est possible de lire sur la cathédrale. Il fera ainsi visiter l’édifice aux plus grands noms de l’histoire de l’art : Eugène Lefèvre-Pontalis, Camille Enlart, Emile Mâle, Henri Focillon. L’administration des Beaux-Arts le nommera alors guide officiel de la cathédrale.

Il commence à photographier la cathédrale en 1910 et produira des centaines, des milliers de clichés, au moyen d’appareils de plus en plus sophistiqués.

Avec le soutien du chanoine Yves Delaporte, archiviste du diocèse, et d’Emile Mâle, qui rédigera la préface, Etienne Houvet essaiera de faire publier ses photographies. Mais comme aucun éditeur ne veut se risquer dans l’aventure, il éditera lui-même ses albums.

Paraîtront donc, à partir de 1919, sept albums de photographies, comportant chacun 90 phototypies (95 pour le portail occidental), et couvrant les trois portails, l’architecture, et le tour du chœur.

Nef de la cathédrale. Photo Houvet. Album Architecture, planche 54 .


Cette publication rencontrera un grand succès :

« Losrqu’il commença la publication de sa série d’albums sur la cathédrale, on s’étonna de l’audace d’une telle entreprise, où avait échoué jadis le Ministère de l’Instruction publique. M. Houvet a terminé cette grande œuvre. Ses sept volumes de planches, qui reproduisent tous les détails de l’architecture et de la sculpture de la cathédrale, sont aujourd’hui dans toutes les bibliothèques et constituent un instrument de travail indispensable aux archéologues comme aux historiens de l’art. » Marcel Aubert, préface aux « Vitraux ».

En 1926, le chanoine Yves Delaporte a le projet d’une étude sur les vitraux de la cathédrale. Tout naturellement, Houvet est associé, et produira les trois volumes de planches (284 en noir et blanc, 10 en trichromie, prises par Yves Delaporte, et 18 planches coloriées) accompagnant l’ouvrage, qui couvre la totalité des vitraux. L’entreprise a été facilitée par la guerre : les vitraux ont été démontés, la cathédrale est pleine d’échafaudages, permettant d’atteindre des recoins inaccessibles.

Vitrail Notre Dame de la Belle Verrière, photo Delaporte, Album Vitraux 1, planche IV.


Ces quatre volumes viennent compléter la série des Albums précédemment publiés, et seront logiquement reliés ensemble.

Houvet et Delaporte, la Cathédrale de Chartres, 1920-1926, Ed Houvet, Chartres.


Houvet est Officier d’Académie, en clair il a les Palmes académiques. En 1927, Edouard Herriot le décore de la Légion d’Honneur.

Houvet est officier des Palmes Académiques, et fait Chevalier de la Légion d’Honneur en 1927. Ce volume a donc été imprimé avant 1927 et vendu après, puisque la mention de sa décoration est rajoutée au tampon.


La série connaît une diffusion très importante. Mais le format (onze volumes de 24x30cm) n’est pas très pratique pour la visite… une Monographie de la Cathédrale de Chartres sera produite à partir des clichés et des textes des albums. Cette monographie reprend 64 phototypies de la série, et les 10 photographies en couleurs, pour les vitraux. Elle servira de guide pour la cathédrale pendant de nombreuses années, toujours publiée par les éditions Houvet.

Et. Houvet, Monographie de la Cathédrale de Chartres, Houvet, Chartres, sans date, réédité à de nombreuses reprises.


Cette maison d’édition durera : on trouve encore des guides de la cathédrale, éditions Houvet, datés de 2002.

Etienne Houvet mourra en 1949, après plus de cinquante années passées dans la cathédrale.

Yves Delaporte, après une longue carrière d’érudit au cours de laquelle il publia près de 560 articles, mourra en 1979.

Yves Delaporte, les trois Notre-Dame de la cathédrale de Chartres, Ed. Houvet, Chartres, 1955.


Aujourd’hui leur ouvrage, vieux de 90 ans, est toujours en tête des bibliographies sur Chartres. Les phototypies originales ont servi pendant très longtemps pour illustrer de nombreuses études sur Chartres. Il n’a pas été remplacé pour la statuaire, et seule la publication du volume du Corpus Vitrearum, consacré uniquement aux vitraux narratifs de Chartres, en 1993, peut lui faire ombrage.

Arc-boutant du chevet. Photo Houvet. Album Architecture, planche 47. Un gardien pose pour la photo.


Bonne journée,
Calamar

dimanche 19 septembre 2010

Poursuivons notre aventure en compagnie de Paul Gavarni (1804-1866), avec un nouveau dessin à la mine de plomb fait pour le Diable à Paris (1845).


Dessin original de Paul Gavarni pour le Diable à Paris.
Paris, Hetzel, 1845-1846.
Collection B.H.R.

Achevons notre voyage en compagnie des dessins originaux de Paul Gavarni (1804-1866), habile et prolifique dessinateur, aquarelliste et lithographe. Un des ouvrages de référence sur Gavarni a été publié en 1924 par Paul-André Lemoisne, il s'intitule : La vie et l'art romantiques, Gavarni, peintre et lithographe. Cet ouvrage est en deux beaux volumes in-4 et ont été publiés par H. Floury, éditeur, imprimés par Daniel Jacomet et Cie, à Paris. Ces deux volumes contiennent une biographie détaillée de l'artiste ainsi que de très nombreuses reproductions de qualité dont certaines en couleurs rehaussées au pochoir. Ces deux volumes se trouvent facilement et ne sont pas très couteux. Je vous en conseille vivement l'acquisition si cette période de notre histoire littéraire vous passionne ou simplement si vous êtes curieux d'en savoir plus.

Dessin original de Paul Gavarni pour le Diable à Paris.
Paris, Hetzel, 1845-1846.
Collection B.H.R.


Ce soir je vais vous présenter un ultime dessin original du maître. Je dis ultime car je ne désespère pas d'en acquérir d'autres. Le dessin mesure environ 20 X 17 cm, il a été assez bien encadré, sans doute au début du XXe siècle. Je l'ai laissé dans on cadre malgré les petits accidents. Il représente deux femmes, celle de gauche, de dos, à peine esquissée, élégamment habillée, à droite, une femme, de face, recouverte de haillons et portant un panier. Ce dessin est simplement signé de l'initiale G. La technique utilisée est une mine de plomb, sans aucun rehaut de couleurs.

Détail.


J'ai eu la chance de retrouver ce dessin dans sa version imprimée d'après une gravure sur bois de Verdeil. Il fait partir de la suite "Les gens de Paris - Les petits mordent - 2." (voir photographie ci-dessous).

Bois gravé par Verdeil d'après le dessin de Gavarni pour le Diable à Paris.


Cette suite fait partie de l'ouvrage le Diable à Paris publié par Hetzel en 1845-1846. Cet ouvrage est magnifiquement illustré de plus de 200 dessins gravés sur bois d'après Gavarni et de plus de 800 dessins dans le texte d'après Gavarni et Bertall. Un libre magnifique !

Je vous laisse admirer le trait du maître.

Bonne soirée,
Bertrand Bibliomane moderne

samedi 18 septembre 2010

Un autre dessin original de Paul Gavarni (1804-1866) : La réussite.




Dessin original de Paul Gavarni (1804-1866),
Légendé :
"Toujours cet as de pique jamais de trèfle, cela commence à devenir inquiétant !"
Encadrement moderne.
Collection B.H.R.

Comme je vous l'avais promis hier, voici un autre dessin original de Paul Gavarni (1804-1866), lithographe et aquarelliste français aujourd'hui quelque peu oublié ou tout au moins étouffé par d'autres pointures du dessin au trait de la même époque que furent J.-J. Grandville ou Honoré Daumier, dont le mérite et l'art est évidemment immense. Si ces modestes billets peuvent remettre à l'honneur ce maître des Masques et visages, j'en serais très heureux.

Le dessin que je vous propose aujourd'hui mesure environ 24 x 20 cm. Il a été récemment encadré (avant que j'en fasse l'acquisition), le cadre étant assez sobre, joli et bien fait, j'ai décidé de le conserver ainsi pour le moment. Ce qui ne facilite pas les choses pour la prise de vues... La photographie du dessin au travers d'une vitre, fut-elle propre, s'est avéré un jeu délicat... mais photographie numérique oblige (EOS 500D), on parvient toujours, quelques dizaines de déclenchements plus tard, au résultat que l'on souhaite, ou à peu près.

Dessin original de Paul Gavarni (1804-1866),
Légendé :
"Toujours cet as de pique jamais de trèfle, cela commence à devenir inquiétant !"
Sans le cadre. Format 24 x 20 cm environ.


La scène représente deux jeunes charmantes demoiselles, fort élégamment habillées de longues robes ornées de jolis petits rubans bleus. Toutes deux sont en train de faire une réussite aux cartes, sur une table. On lit, de la main de Gavarni, au bas du dessin, la légende suivante : "Toujours cet as de pique jamais de trèfle, cela commence à devenir inquiétant !" Le dessin est signé en bas à droite "Gavarni".

Signature de Paul Gavarni, en bas à droite du dessin.


Du point de vue technique, ce dessin de très belle facture, à mi chemin entre le tableau achevé et l'esquisse soulignée de couleurs pastels, a été réalisé sur papier teinté, à la mine de plomb pour le trait et rehaussé d'habiles touches de gouache épaisse, à certains endroits du dessin seulement, laissant la plupart du dessin au stade de l'inachevé, de la suggestion. L'ensemble apparait ainsi très lumineux mais également très "impressionniste" (ndlr :je ne suis pas critique d'art et j'utilise les mots comme je les sens... même si cela peut faire bondir les puristes... comme je l'avais déjà signalé dans un précédent billet... si les puristes savaient comme je m'en f...). Bref, un très joli dessin signé.

Détail.


Que dire de plus ? Je n'ai pas encore réussi à retrouver ce dessin reproduit quelque part dans aucune œuvre imprimée de Gavarni. Peut-être suis-je passé à côté ? Et vous ?

Allez, si vous êtes sage, et comme aujourd'hui et demain sont les deux jours que l'État a donné à notre patrimoine (il ne faut pas attendre ces deux jours commémoratifs pour s'émerveiller des choses de la vie des hommes et de la nature... une belle rivière de montagne est aussi jolie qu'un château du XVIe siècle sur mes terres de Bourgogne...), demain vous donnera droit à un autre dessin original de Gavarni, toujours de ma collection personnelle, et qui lui, cette fois, a bien été retrouvé dans l'œuvre du célèbre dessinateur que je vous invite ainsi à redécouvrir.

Bonnes journées du patrimoine,
Bertrand Bibliomane moderne

vendredi 17 septembre 2010

Un dessin original non identifié non signé attribuable à Paul Gavarni (1804-1866)



Dessin original attribué à Paul Gavarni (1804-1866)
Techniques : mine de plomb, fusain et rehauts d'aquarelles.
Vers 1845 ?
Collection B.H.R.


Heureuse découverte encore que celle-ci ! Je la partage avec plaisir. Voici un dessin original mesurant environ 22 x 16,5 cm pour le dessin, sur une feuille de papier vélin teinté mesurant 30 x 20 cm. Ce dessin n'est pas signé mais on n'a guère de difficulté à y reconnaitre la patte du maître es masques et visages, Sulpice-Guillaume Chevalier dit Paul Gavarni, né à Paris, le 13 janvier 1804 et mort le 24 novembre 1866, lithographe et aquarelliste de renom.

Ce joli dessin représente une dame âgée d'une cinquantaine d'années bien en chair, debout et accoudée sur un meuble, en arrière-plan on distingue une maison, une chaise et un seau (à peine esquissés). La scène se passe à l'extérieur. Les habits de la dame sont assez frustes, elle porte un fichu noué sur la tête. Je n'arrive pas à reconnaitre ce qui se trouve sur le meuble à côté de sa main gauche (avec une teinte légèrement rosé). Le dessins est fait à la mine de plomb, au fusain, et rehaussé de quelques délicates touches à l'aquarelle. L'ensemble est très harmonieux et très agréable à l'œil. Le visage de la dame est particulièrement bien réussi.

Question : Dans quelle série de lithographies ce dessin a-t-il été publié ? A-t-il été publié en lithographie ou interprété par la gravure sur bois ?

Ce dessin me donne du fil à retordre. Il n'est pas légendé contrairement à la plupart des dessins de Gavarni qui prenait d'ailleurs un grand plaisir à légender lui-même ses dessins. Ce que bien d'autres artistes de la même époque ne prenaient pas la peine de faire.

Ce qui est certain c'est que ce dessin ne se retrouve pas dans le Diable à Paris publié en 1844-1845. Je possède d'autres albums de lithographies de Gavarni mais je n'ai pas réussi à le retrouver non plus. Cependant comme je ne possède pas la collection complète des albums de lithographies publiés par Garvarni entre 1840 et 1866, je ne peux être certain que ce dessin ne s'y trouve pas reproduit.

Détail
Collection B.H.R.


Je fais donc appel à vos sources, à vos albums de Gavarni si vous en possédez, à votre nez pour découvrir ce qu'on peut sur ce dessin.

Promis, demain, si vous avez été sages, je vous montrerai un autre dessin de Gavarni, signé celui-ci, légendé aussi, d'une autre facture, plus anglaise, plus fine, à demain donc...

En attendant je vous laisse en compagnie d'autres œuvres dessinées de Gavarni déjà évoquées dans les colonnes du Bibliomane moderne. Lire ou relire également si cela vous tente un billet que j'avais commis sur une lettre autographe de l'artiste.

Note : l'ombre que l'on distingue autour du dessin n'est que la décharge du passe-partout qui a acidifié le papier. Il n'y a pas de cuvette comme on pourrait le croire de prime abord d'après la photographie.

Bonne journée,
Bertrand Bibliomane moderne

jeudi 16 septembre 2010

Connaissance de la reliure par l'image : Maroquin à dentelle droite de la deuxième moitié du XVIIe siècle.




Je vous présente aujourd'hui un spécimen intéressant de reliure en maroquin dont les plats dont décorés sur leur pourtour d'un jeu de roulettes dorées agencé en "dentelle droite" tel qu'on le décrit habituellement. Je vous laisse regarder par le menu détail les différents petits fers dorés juxtaposés utilisés pour former ce joli encadrement. Ce type de décor se rencontre plus fréquemment au tournant du siècle, c'est à dire vers 1690-1710, à quelques années près. Ici l'édition que recouvre cette jolie reliure date de 1666 (Mémoires de Jean Sire seigneur de Joinville, Paris, François Mauger).

détail


Voici les ornements dorés au dos de la reliure.


détail


Voici les doublures et gardes de papier décoré en couleurs. A noter que ce papier se trouve ordinairement dans des reliures du XVIIIe siècle et que nous sommes à peu près certain qu'ici le papier utilisé est celui d'origine au moment de la confection de la reliure. Or nous ne croyons pas possible que la reliure soit d'une facture XVIIIe, même des premières années du XVIIIe siècle. Ce papier a-t-il été utilisé dès les années 1670 ? Nous aurions alors ici une preuve. Cependant je peux me tromper et cette reliure peut dater des années 1700 ?? Mais les fers dorés de la dentelle sont alors typiques de la deuxième moitié du XVIIe siècle (il est possible que de vieux fers aient été utilisés ??).



Doublures et gardes de papier fleuri décoré et peint.


Bonne journée,
Bertrand Bibliomane moderne

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