vendredi 31 décembre 2010

Les voeux du Bibliomane moderne pour la nouvelle année 2011.



Bonnes fêtes à toutes et à tous, et à l'année prochaine...

Bertrand Bibliomane moderne

jeudi 30 décembre 2010

Les étrennes du Bibliomane moderne ou les suprises du coeur par Octave Uzanne (1881).



Lorsqu'un ami en bibliophilie vous offre un cadeau si bien choisi, de deux choses l'une, soit il convoite votre femme, auquel cas vous ne pouvez plus rien, soit son amitié est tenace et durable et mérite qu'on s'y attache. Comme je n'ose même pas envisager la première hypothèse, je me rabats donc sur la deuxième et offre à l'Ami bibliophile qui se reconnaitra, toute la considération due à son rang et toute l'estime nécessaire à une union fort amicale et pérenne.

Voilà t'y pas que ce matin je reçois dans un beau paquet... un livre ! Et pas n'importe quel livre ! L'expéditeur savait son affaire, savait mon uzannophilie patentée ! Ah là, j'étais définitivement touché au cœur. Touché au cœur, le mot est faible, voyez plutôt l'ouvrage que cette personne m'envoie du maître esthético-néologistico-bibliophile :


Les surprises du cœur par Octave Uzanne.

Un joli volume in-8 publié par la librairie ancienne Edouard Rouveyre, sise au 1 rue des Saints-Pères, en 1881. Une belle adresse ! Bien connue des amateurs de jolies éditions tirées à petit nombre des années 1880.


Ce charmant volume, ici imprimé sur papier vergé de Hollande, imprimé en deux couleurs (le texte en noir et les ornements et les titres des chapitres en ocre), sort des presses de la célèbre imprimerie dijonnaise Darantière. L'achevé d'imprimer en date du 20 juin 1881 pour être exact. Darantière a imprimé de nombreux ouvrages pour le compte d'Edouard Rouveyre, celui-ci en est un exemple. L'impression est impeccable, comme à l'habitude avec cet excellent typographe justement renommé. Il a par ailleurs été tiré des exemplaires de luxe de cet ouvrage, comme suit : 4 ex. sur parchemin (j'aimerais bien en attraper un...), 12 exemplaires sur Japon (ils me conviendraient parfaitement), 20 ex. sur papier de Chine (ils me procureraient un plaisir fou), 25 ex. sur papier de Renage (sans aucun doute admirables...), 55 ex. sur papier Seychal-Mill (superbe papier !!), et enfin 6 ex. sur vélin rose (délicat à souhait pour offrir à une dame...), soit un total de 122 ex. sur papier de luxe. Le tirage sur vergé de Hollande n'est pas mentionné mais on sait que ces éditions étaient imprimées en général entre 750 et 1.000 ex. Ce qui doit être le cas ici. Ce charmant petit volume contient joli frontispice à l'eau-forte dessiné et gravé par Géry-Bichard et imprimé par A. Quantin (un grand partenaire de l'édition pour Uzanne depuis les années 1880 et les débuts de la revue Le Livre qu'imprimait également Quantin avec tout son savoir faire. Le volume qui m'a été offert a été relié vraisemblablement vers 1900 en demi-chagrin de couleur rouille avec de larges coins de chagrin également. Le dos est lisse, orné en long et les fers dorés utilisés reprennent les attributs de l'amour suggéré par le titre de l'ouvrage à savoir un angelot, deux colombes et un satyre. La relieur a eu l'intelligence de conserver le premier plat de couverture illustré et imprimé en couleurs (voir photo), le second plat de couverture est également conservé et contient une réclame pour une édition Rouveyre venant de paraître.


Un bien beau livre ! Que contient-il ? Uzanne est bavard, voire même bavassier, (et là je ne le renie pas...) ceux qui le connaissent bien le savent, ça peut plaire... ou pas. Uzanne commence son ouvrage par un "A l'éditeur de ce livre" de 4 pages et daté du 10 juin 1881, où il conclut : "Une préface, écrivait Voltaire, est une prière pour les morts ; elle ne les rescussite pas toujours. Ce livre étant d'un viveur très vivant, priez pour lui, si bon vous semble." Uzanne est âgé de tout juste 30 ans lorsqu'il écrit ces lignes. L'ouvrage se poursuit avec une "Dédicace à la Maîtresse inconnue" de 6 pages et datée de Paris, le 29 avril 1881. C'est un vibrant et sympathique plaidoyer adressé à une maîtresse inconnue, chimérique sans doute, peut-être pas tant que ça dans la tête d'un Uzanne qu'on sent tout frétillant d'amour, où il écrit : "Peut-être même m'aimez-vous déjà de cet amour assoupi d'une Belle au Bois dormant, qui ne croit plus à la vie ni au soleil des âmes, et, bien que je ne sois pas le prince Charmant, il ne faudrait qu'un coup de baguette de cette bonne fée du Hasard, pour que je parvinsse jusqu'à vous à travers bois, buissons, ronces et épines, et pour que nos sentiments mutuels s'éveillassent dans une lumière d'apothéose." Ça sent sont amoureux ça non ?!! Uzanne l'était-il à cet instant où il écrivait ? on peut le supposer. De qui ? Mystère... Je ne désespère pas un jour de désemmêler les intrigues amoureuses de celui-là même qui disait qu'il préférait ne pas s'attacher à une femme par les liens du mariage pour être sûr de pouvoir les aimer toutes (lire à ce sujet son excellent Paroissien du célibataire, publié en 1890, où tout est dit ou presque sur le sujet...) Viennent ensuite les Surprises du coeur à proprement parler, elles s'ouvrent par un échange de lettres entre Suzette de Mirefleur et Gérard d'Orgy, deux amoureux transis : "Je souffre donc, et je l'avoue, etc." enfin, bref, vous voyez le genre... Cela occupe une bonne petite moitié de l'ouvrage. On trouve à la suite une nouvelle intitulée L'organe du Diable (je ne vous fais pas de résumé...), quelques anecdotiana sur l'amour intitulé "Le hasard des petits papiers", et enfin, une série de petites devises et maximes de la main du maître intitulée malicieusement : "Piments"... je cite : "La passion étant inconstante, il fallait faire le mariage indissoluble. La société a de ces logiques !" ou encore "Les femmes veulent plutôt être aimées pour ce qu'elles rêvent d'être que pour ce qu'elles sont." (on pourrait ici volontiers taxer Uzanne de Misogynie mais il n'en n'est rien...), ou enfin "Saint Augustin n'a jamais été plus grand que dans ce mot : "la femme est l'augmentatrice du péché." Dans ce petit livre se dévoile un Uzanne fougueux, sûr de lui, de ses préceptes en matière de Feminies et d'Amour. On pourrait faire son portrait psychologico-amoureux en décortiquant ces maximes et autres bluettes verbales amoureuses. Mais je ne sais pas faire ça... je laisse cela à des médecins experts en Uzannie ! Et j'en connais ! Un médecin en retraite qui voudrait jouer aux Docteur Cabanès !


Beau livre donc ! Superbe présent apprécié à sa valeur totalement subjective et un Bibliomane moderne forcément très ému donc.

Uzanne n'en n'était pas à son coup d'essai en matière de bluette amoureuse... en 1879 il avait donné dans le même format et chez le même éditeur "le Bric-à-Brac de l'amour" et l'année suivante, en 1880, "le Calendrier de Vénus"... ouvrages de la même sauce... et il poursuivra ainsi encore et encore... mais je ne vais pas vous la rejouer sur Uzanne... je vous lasserais... Je vous prie donc de vous reporter aux articles du Bibliomane moderne sur le bonhomme... il y a matière à lire. Et Uzanne ne se donne pas à qui veut ! Et ne s'apprivoise pas si facilement ! A bon entendeur...


C'est le moment de vous souhaiter, chères amies lectrices (il faut toujours commencer par les filles...), chers amis lecteurs (je sais qu'il y en a tout de même...), les meilleurs voeux du Bibliomane moderne pour la nouvelle année 2011 qui arrive à grands pas. Les dernières 24 heures de 2010 auront bientôt vécues ...

2010 est mort ! Vive 2011 !

Post-scriptum : ce livre a été particulièrement bien choisi et je tiens encore une fois à en remercier son expéditeur... Uzanne est toujours de bon conseil dans les affaires du cœur... je vais tâcher d'en faire le meilleur usage possible... ou pas.

Bertrand Bibliomane moderne

mardi 28 décembre 2010

Courrier des lecteurs : sur les traces du libraire parisien Théophile Etienne Gide.



Voici un courrier que le Bibliomnane moderne vient de recevoir, et qu'il vous transmets pour approfondissements conformes... lisez plutôt.

Bonjour,

Je me permets de prendre contact avec vous car j'essaie de faire une notice généalogique sur ma famille maternelle, et plus précisément la branche des libraires imprimeurs parisiens : les Gide.

J'essaie d'approfondir mes recherches concernant Théophile Étienne Gide et ses débuts.

En effet, je le trouve associé de Gay depuis 1791 (en France comme en Pologne) dont il épousa la fille. Dés lors, je pensais qu'il obtint sa maitrise de libraire imprimeur en ayant suivi son apprentissage de quatre ans chez son beau-père Jean Gay à Paris. Et je me demandais où chercher le contrat d'apprentissage, et sa réception à la maîtrise. Auriez-vous une idée ?

Page de titre d'un ouvrage publié par Gide fils, libraire à Paris.


Mais, j'ai découvert une autre information ; son catalogue : Catalogue des livres qui se trouvent la plupart en nombre chez Gide, successeur de Gattey au palais égalité 13 et 14 arcades de pierre année 1795. Et maintenant, je me demande s'il n'a pas effectué son apprentissage et maitrîse chez Gattey ? Enfin, je suis perplexe car j'ai trouvé sur internet un livre daté de 1789 : Théatre de l'hermitage de catherine II impératrice de russie chez gide libraire place sulpice. Cette date m'étonne car l'appellation place sulpice se situerait en période révolutionnaire, auparavant la dénomination étant saint-sulpice. Mais surtout il aurait obtenu sa maîtrise avant son association avec Gay.

Auriez-vous des informations sur les début de Théophile Étienne Gide libraire né en 1767 et mort en 1837, à l'origine des Gide libraires à paris au XVIII siècle ?

Je vous remercie de toute aide éventuelle de votre part.
Je vous souhaite de bonnes fêtes de fin d'année.

Un lecteur du Bibliomane moderne

Cher lecteur, je suis persuadé que les lecteurs attentifs du Bibliomane moderne sauront vous trouver quelques éléments de réponse.

Bertrand Bibliomane moderne

dimanche 26 décembre 2010

De la bibliographie ou de l’art de se pencher sur les éditions pour en savoir plus… sur un problème de pagination. Bussy-Rabutin (édition de 1754)




Acquisition récente : Histoire amoureuse des Gaules par le Comte de Bussi Rabutin (sic). Édition en 5 volumes petits in-12 (14,5 x 8,5 cm), publiés sous la date de 1754, sans lieu ni nom. Je vais essayer de vous décrire le plus précisément possible l’exemplaire que j’ai sous les yeux. La collation exacte pour commencer. Tous les volumes possèdent un titre-frontispice gravé à l’eau-forte. Celui du premier volume représente deux amours enlacés dans un encadrement décoré de feuillages et de motifs rococo, il est signé des initiales « P. P. Ch. Inv. et L.L. Sc. » Le titre-frontispice du second volume, dans un encadrement similaire mais différent, montre deux colombes qui s’embrassent, il est signé des mêmes initiales. Le titre-frontispice du troisième volume montre un ensemble de fleurs, carquois et flèches, le tout dans un encadrement. Seul la signature du dessinateur « P.P. Ch. Fecit » est présente. Le titre-frontispice du quatrième volume montre une composition faite d’un sceptre, d’une couronne, d’un flambeau et d’un instrument de musique. Signature du dessinateur seulement. Enfin, le titre-frontispice du cinquième et dernier volume montre une composition faite d’une carafe, d’un plat, d’une bouteille, dans un décor floral, avec encadrement végétal. Seul le dessinateur est mentionné, comme pour les précédents. Passons à la pagination maintenant. En voici le détail :


Premier volume : 1 titre-frontispice, 1 feuillet de table des pièces contenues dans le premier tome (verso blanc), 6 pages d’avis au lecteur, XIV pages chiffrées en petit romain (lettre de Bussy au duc de Saint-Aignan), 1 feuillet blanc, 390 pages chiffrées (la dernière page se termine par un fleuron et ne comporte pas de réclame tandis que toutes les autres pages en comportent bien une, ceci indiquant bien la fin du volume, ainsi bien complet.




Deuxième volume : 1 titre-frontispice, 407 pages chiffrées. Ce volume ne contient pas de table mais le premier feuillet paginé est bien signé A, à priori il n’en faut pas. Il n’y a pas marqué FIN au dernier feuillet mais le volume est bien complet (le dernier feuillet se termine par quelques lignes seulement en haut de page)



Troisième volume : 1 titre-frontispice, 317 pages chiffrées. Ce volume ne contient pas de table mais le premier feuillet paginé est bien signé A, à priori il n’en faut pas. Il y a imprimé « Fin du tome III » à la fin du dernier feuillet.



Quatrième volume : 1 titre-frontispice, 1 feuillet de table de ce qui est contenu dans le tome IV (signé a). 272 pages chiffrées, le premier feuillet signé A. Il semblerait donc probable que les feuillets de table pour les tomes II et III manquent (ils n’ont jamais été reliés). Il y a imprimé « Fin du tome IV » à la fin du dernier feuillet.



Cinquième volume : 1 titre-frontispice, 1 feuillet de table ce qui est contenu dans le tome V (signé a). 354 pages chiffrées. Il y a imprimé « Fin du cinquième & dernier Tome » à la fin du dernier feuillet.


Description de la reliure : L’exemplaire présenté ici a été relié probablement autour de l’année 1800. Le décor des dos pourrait laisser croire un instant que la reliure date de la seconde moitié du XVIIIe siècle, avec son joli décor aux petits fers, mais un bref coup d’œil sur le papier décoré des doublures et des gardes ne laisse aucun doute, ce type de décor n’existait pas avant les années 1795 ou 1800. Reliés en pleine basane racinée du plus bel effet et parfaitement conservées, ces reliures sont un exemple de ce qui se faisait de raffiné en matière de belle reliure dans les années 1795 à 1810. Malgré cela, ces reliures restent dans la catégorie des belles reliures « courantes » dans le sens où les tranches ne sont pas dorées mais jaunies et mouchetées de bleu. Ce n’est donc ni un exemplaire de grand luxe, ni un exemplaire ordinaire, à mi chemin… parfaitement conservé comme je l’ai précisé, ce qui en fait tout l’attrait et ce pourquoi je l’ai sélectionné pour faire partie de mes petits

Concernant les titres contenus dans ces cinq volumes, voici comment ils sont répartis :

Premier volume : contient la lettre au Duc de Saint-Aignan (du 12 novembre 1665), Histoire amoureuse des Gaules (contient tous les textes habituels, Histoire de Madame de Sevigny (i.e. Sévigné), Histoire des amours de Madame de Monglas, les Maximes d’amour). On trouve en outre à la fin la traduction des épigrammes de Martial par Bussy-Rabutin. Curieusement sont annoncés dans le feuillet de table une « vie de Bussy » au début et les « Heures de Bussy » à la fin, qui ne s’y trouvent pas (!!), sans manque apparent. Notre exemplaire est en tous points conforme a celui numérisé sur Google Books et à l’exemplaire Rothschild (voir photo de la notice Rothschild).


Deuxième volume : contient « Le Palais Royal ou les amours de Madame de La Valière et autres. », « La déroute et l’adieu des filles de joie de la ville & faubourgs de Paris, etc, et la requête de Me de La Valière. », « La Princesse ou les amours de Madame. », « Junonie ou les amours de Madame de Bagneux. », « Les fausses prudes ou les amour de Madame de Brancas, et autres dames de la cour. », « Les vieilles amoureuses ».

Troisième volume : contient « Les amours de la Maréchale de La Ferté. », « La France galante ou les amours de Madame de Montespan, etc. », « Le perroquet ou les amours de Mademoiselle. ».

Quatrième volume : contient « Le Passe-temps royal ou les amours de Mademoiselle de Fontange. », « Suite de la France galante ou les amours de Madame de Maintenon, sur de nouveaux mémoires très-curieux. », « Le divorce royal ou guerre civile dans la famille du Grand Alcandre. ».

Cinquième et dernier volume : contient « La France devenue italienne avec les derniers dérèglements de la cour. », « Amours de Monseigneur le Dauphin, avec la Comtesse du Rourre. »


Provenance : L’exemplaire provient d’au moins deux bibliothèques que l’on pourrait suivre en cherchant un peu. Tout d’abord une belle étiquette ex libris, sobre, typographiée : « Bibliothèque de Luc Le Roy, Avocat. » Cette étiquette date sans aucun doute du tout début du XIXe siècle voire de l’extrême fin du XVIIIe, ce qui confirme notre datation de la reliure et indique sans doute un premier propriétaire, peut-être le commanditaire de la reliure. Tous les volumes portent cette étiquette au contreplat. On voit ensuite sur la première garde blanche (verso), le cachet rectangulaire à l’encre bleue : ANGERVILLE. Ce cachet doit dater des années 1820 à 1850, sans doute pas plus près de nous.

Voici donc l’exemplaire décrit. En français dans le texte, ou presque. Vous me direz, travail de libraire tout à fait normal en soi, mais pourquoi étaler cela dans les colonnes du Bibliomane moderne ? Tout d’abord parce que l’exemplaire est un peu un exemplaire de musée, parfait, comme je les aime. Et que j’aime bien partager ces découvertes avec vous. On ne se refait pas, hein ? (pfiou). Ensuite parce que l’autre soir je cherchais quelques informations sur cette édition que je n’avais encore jamais eu en mains depuis mes premières armes en bibliophilie… et que… et que… j’en trouve une édition presque identique, également en cinq volumes, avec les mêmes titres frontispices… mais avec une pagination totalement différente… Voyez plutôt…

Dans mon exemplaire le premier volume a 390 pages chiffrées… dans d’autres exemplaires le premier volume comporte 368 pages chiffrées… le deuxième volume a 407 pages contre 283 … le troisième 317 contre 392… le quatrième 272 contre 320 … et enfin le cinquième 354 contre 314 !! Les tables semblent disposées différemment ainsi que certains feuillets du premier volume. Les pièces présentées sont identiques dans les deux cas. Cet « autre exemplaire » est proposé par un collègue libraire en reliure du XIXe siècle. Damned ! Il existerait donc deux tirages bien distincts de cette édition de l’Histoire amoureuse de Bussy-Rabutin, et autres romans… !!!

En moins de deux le Cohen est sur mes genoux ! Cohen, édition complète de 1912… colonne 195 : la collation est précisée… et correspond à mon exemplaire hormis le premier volume qui est donné en 389 pages chiffrées… mon exemplaire est bien en 390 pages chiffrées… ça me chiffonne !!! Cohen précise par ailleurs que cette édition est assez jolie et que les titres sont l’œuvre de Choffard. Curieusement et contrairement à d’autres bibliographes, Cohen ne précise pas qu’il existe des exemplaires sur papier de Hollande (très recherchés d’après Brunet et divers autres).

Comme la plupart des catalogues consultés ne donnent aucune précision quant à la pagination exacte des volumes… pas facile de s’y retrouver !! Cette édition a toutes les caractéristiques d’une édition imprimée en Hollande. Chez qui ? Je l’ignore et les bibliographes se sont bien gardé d’avance un nom dans cette affaire. Auguste Poitevin dans sa réédition de 1857 de l’ensemble de ces romans satiriques avance la place de Londres comme lieu d’impression, sans argument.

Pour venir corroborer ce « second tirage », j’ai trouvé via Google Books une notice dans le Bulletin du Bibliophile et du Bibliothécaire de Téchener, mais impossible de remettre la main dessus… trop bien rangé sans doute… Si quelqu’un me retrouve çà !! je suis preneur. De même que je suis preneur de vos informations de pagination si vous possédez un exemplaire de l’un ou l’autre tirage de cette édition.

Cette édition que je qualifierais de « peu commune » complète et en belle condition d’époque (ici la reliure est postérieure d’une quarantaine d’année), l’est évidemment encore plus « en maroquin d’époque », encore plus… « en maroquin d’époque aux armes », encore plus rare et devenant unique avec un ex libris de Mlle de Simiane, arrière-petite-fille de la marquise de Sévigné. Gisèle de Simiane (1708-1759), l’une des trois filles de Pauline de Simiane, petite-fille de Madame de Sévigné et fille de Françoise de Sévigné, comtesse de Grignan… on peut rêver… c’est Noël !! …

Quoi qu’il en soit cet exemplaire est bien bel et bon comme dirait un amateur de bonne chère (ou chair…) et il convient pour l’heure à mes envies de rabutinages

Bonne soirée post-traumatique festive,
Bertrand Bibliomane moderne

vendredi 24 décembre 2010

Henri Premier Estienne, locataire de la maison des Lapins. (1502-1520).


Dans la série « Les bonnes adresses du passé », continuons notre promenade dans le quartier de la Rue St Jacques, à Paris. Laissant l’imprimeur Poncet Lepreux en sa maison du Loup, tournons le coin de la rue pour gagner le clos Bruneau, plus précisément la maison à l’enseigne des Lapins (c’est ce qui s’appelle sauter du coq à l’âne …). C’est là qu’exerça l’imprimeur chef de file d’une dynastie : Henri Estienne premier du nom.

Fig 1 Une page de titre de l’imprimeur Henri Ier Estienne.


Le Clos Bruneau était une ancienne parcelle de vigne, appartenant à un certain Bruno, où fut érigée la Commanderie des Hospitaliers de Saint Jean-de-Jérusalem, composée d’une tour pour abriter les pèlerins et d’une église. Les Templiers possédaient aussi des maisons dont ils percevaient les loyers, telle la maison où Henri Estienne installa son imprimerie en 1502 (un an avant Josse Bade), in officina cuniculorum.

Le clos Bruneau, c’était un peu le cœur de l’Université ; une école de droit canon, Clauso Brunello universitatis Parisiensis y avait été fondée en 1384, d'où son nom de rue des Ecoles aux décrets, que l’on retrouve dans l’adresse d’Henri Estienne. Puis les collèges s’étaient multipliés : au XVIème siècle, le collège de Beauvais côtoyait le collège de Presles, celui de Dormans-Beauvais, le collège de Laon, etc. Un endroit qui ne pouvait qu’attirer les libraires et imprimeurs de tous poils.

Effectivement, les libraires, imprimeurs et relieurs pullulaient dans le quartier. Leurs maisons avaient toujours une enseigne, souvent celle d'un saint patron, parfois une devise, et portaient des noms pittoresques : « A l'enseigne de la Gargouille », « Au Livet sauvage », « A l'Ecu de France », « A l'image de Sainte Catherine », « La Maison de la Rose-Blanche et de la Hure-de-Sanglier », « A la Corne de Cerf », « Les Trois-Croissants » ou « A la Belle Fleur », etc …

Sur l’enseigne de la maison d’Henri Estienne figurait probablement un olivier et 3 lapins. Pour autant il ne fit jamais figurer sur sa marque ni l’olivier (adopté par Robert Estienne) ni les lapins (repris pour marque par Simon de Colines, l’associé et troisième mari de la Veuve Estienne). En fait Henri n’avait pas vraiment de marque ; il utilisait pour ses pages de titre de grandes compositions gravées, où apparaissaient les armes de l’Université de Paris : trois fleurs de lys et la main de Dieu faisant don du Livre, symbole repris par d’autres imprimeurs du quartier. Parfois, il ajoutait une devise, « plus olei quam vini ». (Allusion aux vignes du clos Bruneau ? Allusion au nom de sa mère, une Montolivet ?).

Fig 2 La marque de l’Université, adoptée par Henri premier


Fig 3 L’enseigne de la Maison du Lapin


Paradoxalement, le fondateur de la dynastie des Estienne n’a pas laissé beaucoup d’indices pour les biographes; le peu qu’on sache sur lui est tiré de ses propres impressions, le reste n’est que conjectures ! Des grandes étapes de sa vie, on ignore à peu près tout : sa date de naissance (Vers 1465-70), son lieux de naissance (Sans doute Paris, mais sa famille était du sud de la France et certains le font venir de Lambesc – Pierre étudie une piste tarasconnaise), jusqu’à la date de sa mort qui n’est pas connue avec exactitude !! (Quelque part entre juillet et octobre 1520).

Puisqu’ Henri premier est un imprimeur de légende, il ne faut pas hésitez à l’entretenir : Son père le destinait à une carrière sérieuse et vit d’un très mauvaise œil sa vocation de libraire-imprimeur, (Pourquoi pas saltimbanque, pendant qu’il y était !). Il le déshérita aussi sec. Inutile de dire que chez les Estienne, on ne mangeait pas tous les jours du lapin.

Nous ignorons aussi où il apprit son art. Peut-être avec l’allemand Hygman, qui meurt en 1500 et dont il épouse la veuve, Guyonne Viart. Les premières impressions qui lui sont attribuées avec certitude sont celles réalisées en 1501 – 1503, fruit de la collaboration avec l’imprimeur allemand Wolfang Hopyl, trois au total, dont le premier, qui a pour titre « introduction morale à l’éthique d’Aristote », est l’œuvre d’un certain Jacques Lefevre d’Etaples dont on va reparler. Ensuite il se mit à son compte et sur une production de 117 titres, très peu le furent en association avec des confrères. (Une avec Jehan Petit et Denys Roce en 1504, une autre avec Jehan Hongot en 1508, trois avec Jehan Petit en 1510, 1513, 1516, une avec Josse Bade en 1512.) Il imprima aussi un ouvrage en 1506 pour le compte des frères de Marnef, un pour Regnault Chaudière en 1518 et un dernier en 1519 pour le libraire de Bale, Conrad.

Henri était un artisan soigneux et appliqué, avec un certain gout pour l’esthétique. Il aimait les beaux caractères, les belles lettrines tarabiscotées, et les mises en page claires. J’aime bien le style de ses impressions, aux lettres alignées encore de manière un peu irrégulières, qui donne un genre « primitif ». Voyez plutôt :

Fig 4 Henri Estienne ne fabriquait pas ses caractères romains, il les faisait venir de Bâle, comme beaucoup de ses confères.


Fig 5 Mise en page dépouillée. Le livre présenté est la Somme théologique de Jean Damascène, publiée une première fois en 1507, traduction de Jacques Lefebvre d’Etaples, ici avec le commentaire original de Josse Clicthove, 1512.


Fig 6 Adresse d’Henri Estienne 1er. Henri mettait avec exactitude sur ses livres, la date de l’année, du mois et même du jour de la publication. Il prenait un certain plaisir à varier l’intitulé de l’adresse (Sans changer d’adresse pour autant). Ou bien il ajoutait un commentaire : ici, il souligne que l’impression des gloses est absolument la première. (Pour attirer les futurs bibliophiles, j’imagine !)


La plupart de ses titres étaient des livres de sciences ou de philosophie, au format in-quarto, plus rarement in-folio. On rapporte qu’il était très minutieux dans la correction de ses épreuves et que lorsqu’une erreur lui avait échappée, il la mentionnait dans un feuillet séparé. La chose était peu courante à l’époque, si bien que la légende en fit l’inventeur de l’erratum. En fait, il existerait des feuillets d’errata dans les éditions incunables, bien antérieures aux productions d’Henri Estienne. (Je n’en ai pas retrouvé sur mes rayons, mais Le Bibliophile Rhemus va combler cette lacune documentaire…)

Fig 7 Erratum du Theologia Damasceni.


La Maison du Lapin devait être une ruche où les savants de l’Université aimaient à se retrouver, ils apportaient des textes à imprimer ou intervenaient comme correcteurs des épreuves. Parmi eux, Jacques Lefebvre d’Etaples a été le plus fidèle. Ce professeur de philosophie au collège du Cardinal Lemoine, avait confié à Henri, on l’a vu, l’impression de son premier livre, en 1502, ils poursuivirent leur collaboration jusqu’en 1507, date de son départ pour Meaux. L’autre grand nom attaché à Henri Estienne est Josse Clichtove, (1472?-1543), qui édita et commenta les écrits de plusieurs Pères et docteurs de l'Église, auteur du commentaire de l’édition de 1512 sur Jean Damascène (1) et dont presque tous les ouvrages ont été imprimés chez Henri Estienne. Ses centres d’intérêts touchaient, un peu comme Jacques d’Etaples, la mystique des nombres et la philosophie d'Aristote, qu'il voulait débarrasser des erreurs, surcharges ou réductions que lui avait apportées la tradition scolastique. Son gout pour la logique structurale, voire arithmétique, se retrouve dans les commentaires de Jean Damascène.

Fig 8 Système 1


Fig 9 Système 2


Fig 10 Colophon


Les impressions d’Henri Estienne n’intéressaient guère les bibliophiles du XIXe siècle ; Renouard (2) ne consacre même pas dix pages au fondateur de la dynastie dans ses Annales des Estienne, et ses commentaires sont truffés d’inexactitudes. D’ailleurs, il écrit lui-même qu’Henri 1er est victime de ses choix éditoriaux et du désintérêt des lecteurs pour les écrits scolastiques, il ajoute que les amateurs n’allaient pas collectionner les textes abordés par l’imprimeur et préférait les éditions aldines ! Aujourd’hui, les bibliophiles s’entretueraient pour acquérir une impression d’Henri Ier Estienne… s’ils y en avaient sur le marché !

Bonnes fêtes à Tous
Textor

(1) In hoc opere contenta Theologia Damasceni/ quatuor libris explicata : et adjecto ad litteram commentario elucidata I De ineffabili divinitate, II De creaturarum genesi ordine Moseos, III De iisquae ab incarnatione usque ad resurrectionem Christo, IIII De iis quae post resurrectionem usque ad universalem resurrectionem . Paris, Henri Ier Estienne, 1512 - In fol. de (1) bl. - 203 ff - (2) bl.

(2) Annales de l'imprimerie des Estienne, ou, Histoire de la famille des Estienne et de ses éditions, Antoine-Augustin Renouard - 1843

mercredi 22 décembre 2010

Une jolie reliure pleine en chagrin décoré sur une la première édition au format in-12 de Lelia de George Sand (Paris, Perrotin, 1842)


Depuis deux jours au pays des cartonnages et des reliures romantiques, avec les billets suivants Un très joli cartonnage romantique sur Le voyage aux pays aurifères par A. C. de La Carrières (1855) - Cartonnages romantiques : Typologie des Fers ornant les Cartonnages Romantiques percaline ou chagrin, période 1840-1865. Numérotation bibliographique (le tout nouveau blog de notre ami Bernard).







Je vous présente ce soir un exemplaire de la même période dite de la reliure "romantique". Nous sommes ici en 1842, il s'agit d'une reliure plein cuir, plein chagrin noir plus exactement, les dos sont décorés "en long" de fers rocailles habituels de cette période 1835-1845. On remarque aux dos des volumes un jolie fer représentant un oiseau. Les plats des volumes sont décorés d'un encadrement fait de triple-filets dorés avec fleurons rocailles dans les angles et volutes de liaison. Filet à froid large en encadrement des plats, petite roulette dorée sur les coupes. Étonnamment compte tenu qu'il s'agit d'une reliure pleine, les tranches ne sont pas dorées. Les doublures et les gardes sont en papier marbré. La reliure peut être datée sans trop d'hésitation de la date de l'édition même qu'elle habille, à savoir 1842.

Ce qui est intéressant dans cet exemplaire parfaitement conservé comme vous pouvez le voir, c'est que le texte qu'elle recouvre est intéressant. Il s'agit de la première édition au format in-12 des Œuvres de George Sand, à Paris, chez Perrotin, en 1842. Nouvelle édition des Œuvres (tomes VI et VII), offrant ici le texte complet de Lelia et du Spiridion (qui vient compléter le second volume). Cette édition au format "in-18 anglais" (aussi dénommée in-12 dans les bibliographies) des Œuvres de George Sand compte XVI volumes en tout, parus entre 1842 et 1843. Les exemplaires complets de tous les volumes de cette édition me semblent peu communs pour ne pas dire rarissimes. Vicaire dans son Manuel de l'amateur de livres du XIXe siècle consacre d'ailleurs une longue notice à cette édition Perrotin (Vicaire VII, 306-311).

Je trouve intéressant de trouver ce bon texte classique, même si ce n'est pas le plus connu de George Sand, dans une reliure pleine de l'époque, décorée à la "romantique" et parfaitement conservé hormis les traditionnelles rousseurs inhérentes à cette époque. Je ne sais pas si l'on peut définir cette reliure comme une reliure éditeur ou non ? La reliure n'est pas signée. Elle conserve donc une bonne part de mystère bien qu'elle réponde à tous les critères des reliures romantiques de son temps.

Je vous laisse juger de la qualité de l'exemplaire et du décor de la reliure.

Bonne soirée,
Bertrand Bibliomane moderne

mardi 21 décembre 2010

Un très joli cartonnage romantique sur Le voyage aux pays aurifères par A. C. de La Carrières (1855)



Ce matin j'ai reçu deux forts jolis catalogue de librairie. Il s'agit d'une des plus grandes librairies françaises spécialisées dans la vente de livres de voyages, cartes, atlas, et autres merveilles. J'ai pris le temps (et le plaisir) d'en parcourir l'essentiel ce soir, au calme. Le premier catalogue propose de beaux livres de voyages et le second de très jolies cartes géographiques et manuscrits sur le même thème. Un pur plaisir à lire. Format agréable, illustrations de qualité, notices claires, concises, assez peu bavardes en réalité, mais suffisamment pour susciter l'intérêt de l'acheteur potentiel. Ces catalogues sont toujours une belle réussite. Il s'y trouve des livres à tous les prix, de 500 euros environ à plusieurs dizaines de milliers d'euros pour les pièces les plus rares.

Ce qui a tout de suite retenu mon attention, c'est ce qui faisait suite dans ma mémoire à l'article d'hier dans lequel je présentais le blog de notre désormais confrère et ami es bibliomanie Bernard : Cartonnages romantiques (je vous invite à le visiter et à l'ajouter séance tenante à vos signets).

Le numéro 124 du catalogue est un exemple de cartonnage romantique rare, intéressant à plus d'un titre à mon avis, et à retenir. Bernard nous donnera certainement son avis sur la question. Voici ce dont il s'agit :

124 - LA CARRIERES (A. C. de). Voyage aux pays aurifères. Afrique, Mexique, Californie, Pérou, Chili, Nouvelle-Calédonie, Australie, Russie. Paris, A. Courcier, [1855]. In-8 de (2) ff., 328 pp. ; percaline noire, décor polychrome au dos et sur le premier plat, fleuron doré au centre du second plat, tranches dorées (reliure de l'éditeur). Première et seule édition. Elle est illustrée d'une vignette de titre, de vignettes gravées sur bois dans le texte et de 12 planches lithographiées à fond teinté de Jules Arnout. Voyage philosophique et anthropologique dans les principaux sites aurifères mondiaux. L'ouvrage contient trois chapitres consacrés à la Californie comprenant des épisodes de la ruée vers l'or, une description de San Francisco et une planche montrant l'incendie de la ville. Un autre chapitre est consacré à l'Australie. Rare et bel exemplaire dans son cartonnage illustré d'éditeur. Ferguson, 7977. - Sabin, 38450.

Ainsi se termine la fiche descriptive de cet ouvrage. Thème intéressant, rare même. Reliure d'époque en parfaite condition. Tout est réuni pour faire de cet ouvrage une pièce convoitée des bibliophiles. L'ouvrage est proposé au prix de 2.500 euros.

Voici la fiche descriptive illustrée ainsi que la photographie de la reliure plein page (page en regard de la description de l'ouvrage).



Personnellement je n'ai jamais rencontré cet ouvrage. En cherchant sur le moteur de recherche vialibri j'ai pu en localiser deux exemplaires dans différentes conditions et à différents prix.

- Exemplaire en percaline éditeur (identique à celui-ci ??), modeste exemplaire remboité, usures, rousseurs, etc. Environ 1.150 euros (librairie anglo-saxone).
- Exemplaire en demi-chagrin rouge, reliure annoncée en parfait état, mais des rousseurs. 550 euros par une librairie française.

Je vous laisse vous exprimer sur cet ouvrage et sur cette jolie reliure éditeur. L'avis de notre ami Bernard sera des plus précieux pour bien juger.

NDLR : je n'ai pas cité nommément cette célèbre librairie mais les habitués la reconnaitront aisément. Je ne lui ai pas demandé l'autorisation pour diffuser cette fiche en photographie. Si ce billet contribue à en accélérer la vente j'en serai très heureux mais qu'on sache bien que je n'ai aucun intérêt dans l'affaire autre que celui de partager mes envies bibliophiles et bibliomaniaques. A bon entendeur.

Bonne soirée,
Bertrand Bibliomane moderne

lundi 20 décembre 2010

Cartonnages romantiques : Typologie des Fers ornant les Cartonnages Romantiques percaline ou chagrin, période 1840-1865. Numérotation bibliographique.



Voici un blog qui plaira à nombre d'entre nous et que personnellement j'attendais en silence depuis bien longtemps !

Cartonnages romantiques : Typologie des Fers ornant les Cartonnages Romantiques percaline ou chagrin, période 1840-1865. Numérotation bibliographique. Description des Cartonnages. Résultats des Ventes de cartonnages Romantiques.

Certains habitués ou connaisseurs du microcosme livresque reconnaitront l'auteur de ce blog en devenir. Il se définit ainsi lui-même sur son profil blogger : Expert en Antiquités, spécialisé en Tabacologie, Cannes anciennes et Art populaire. Expert en Livres Anciens. membre de la Compagnie Nationale des Experts (ça ne rigole pas !! ;-))

L'adresse générique du blog est la suivante : http://cartonnagesromantiques.blogspot.com/

Je vous invite à lire les premiers billets disponibles ici :

Cartonnages Romantiques 1840-1865. Typologie des Fers.

Cartonnage Romantique. Fer Générique Recto N° 2

Cartonnage Romantique.Fer Générique Recto N°1

Cartonnage Romantique. Fer Générique Recto N° 3

Bonne lecture et bon vent à ce nouveau blog bibliopolesque !

Bonne soirée,
Bertrand Bibliomane moderne

dimanche 19 décembre 2010

Les étrennes aux bibliophiles en 1892 par le libraire parisien L. Conquet.



Les étrennes approchent ! Les étrennes des bibliophiles ! Les étrennes des libraires ! Bref, le monde du livre rare, ancien, d'occasion, la bouquinerie, ou de quelconque autre façon qu'on l'appelle, Bibliopolis se doit de fêter dignement la fin de cette année 2010 pour débuter dans l'allégresse une année 2011 qui s'annonce, d'après les prophéties les plus étudiées, comme étant l'avant dernière...

A la fin du XIXe siècle, entre bibliophiles et libraires, on savait vivre ! Les librairies à chaises avaient encore bonne réputation et la librairie L. Conquet était de celles-là. Ce n'est pas ce soir que je vais vous en tracer l'historique, mais celui-ci viendra en son temps pour satisfaire votre curiosité des choses du livre. Non ! Ce soir, je voulais vous montrer ce que notre ami L. Conquet réservait à ses clients les plus précieux, les plus "bankables" dirait-on aujourd'hui. Car il faut bien le dire, un bon client en librairie est d'abord un client qui achète, un client qui paye (j'ai oublié de laisser ma langue de bois au vestiaire pour ce soir... enfin de langue de bois je crois ne jamais en avoir usé ni abusé). Mais est-ce bien tout ? Évidemment non ! Un bon client est comme un bon libraire... ça se travaille ! Le bon client se doit d'être informé un minimum des "notices bibliographiques", de l'actualité des beaux livres, se doit d'avoir un nez, des yeux et des oreilles... Le bon libraire se doit quant à lui d'avoir toujours un œil sur son tiroir-caisse et sur son bon client, et ce pour le satisfaire, toujours, à toute heure et en toutes circonstances. La satire est légère, le plaisir de la faire ne l'est pas moins... C'était valable hier... Le monde change... enfin presque...


Donc, en cette fin d'année 1891, notre ami L. Conquet prépare en secret, un petit présent destiné à ses amis et clients bibliophiles. Un petit présent, mais pas des moindres ! La notion de présent a changé... il faut bien l'admettre. M. Conquet, fort de son expérience d'éditeur de livres de luxe pour bibliophiles avertis depuis la fin des années 1880, se propose d'offrir à ses meilleurs clients (on n'imagine pas qu'il en destinait quelques exemplaires aux vils rapineurs - visiteurs gratis - qui passaient pour rien dans sa librairie - j'ai oui dire que le sieur Conquet avait caractère de chien et passait pour un des plus mauvais coucheurs de Paris en son temps). Donc, Conquet décide de faire imprimer à ses frais, avec grand luxe, un petit volume de 63 pages intitulé "1892 - Calendrier parisien". En clair, un petit calendrier pour la nouvelle année comme encore aujourd'hui on vous en offre de ci de là dans les différents commerces que vous fréquentez en cette période festive. Mais là attention ! c'est un cadeau pensé pour les bibliophiles. Tous les égards leur sont dus.

Calendrier parisien pour la nouvelle année 1892, avec un texte de Hugues Le Roux et treize lithographies par Dillon. Treize lithographies originales pour un cadeau d'étrennes aux bibliophiles !! Rendez-vous compte !! Les lithographies ont été tirées par MM. Belfond et Cie. Le volume a été imprimé par Chamerot et Renouard à Paris. Le tout avec luxe ! La couverture rempliée est imprimée de fleurs en relief dans les tons de bleu pâle. L'exemplaire que je vous présente est imprimé sur papier vélin et non mis dans le commerce. "Exemplaire offert à"est-il imprimé (voir photo), le reste étant écrit à la plume de la main de Conquet lui-même : "Monsieur Hector de Backer. L. Conquet"


Nous avons donc là, sous les yeux, l'exemplaire du célèbre bibliophile Hector de Backer !

M. de Backer était ce qu'on pourrait appeler un bibliophile averti. Sa bibliothèque fut vendue en cinq parties à partir de février 1926 et années suivantes. Il était Président de la Société des Bibliophiles et Iconophiles de Belgique. J'ai les catalogues de vente de sa bibliothèque sous les yeux et je les consulte souvent tant ils sont riches en éditions originales rares des auteurs classiques mais également en livres anciens illustrés, etc. L'introduction a sa première vente commence en ces termes : "Peut-être un pareil ensemble ne s'est-il jamais rencontré. De bons juges estiment, en effet, que par la richesse, la variété et l'étendue de ses séries littéraires, la bibliothèque réunie par M. Hector de Backer constitue une collection unique dans les fastes de la bibliophilie." Ça pose son homme non ? Il est décédé le 6 janvier 1925 à l'âge de 82 ans (il était donc né en 1843 et était âgé de 48 ans au moment où Conquet lui offre ce calendrier pour les étrennes de la nouvelle année 1892. Le décor est posé.

M. de Backer n'a pas du connaitre un peu M. Conquet, éminent et incontournable libraire de la capitale. Ils devaient être suffisamment proches pour que M. de Backer lui confie très souvent des commissions dans les ventes aux enchères à l'hôtel Drouot ou lui achète directement des livres dans sa librairie (Conquet éditait des livres de luxe mais faisait également le commerce des livres rares dans sa boutique de la rue Drouot, au numéro 5). M. de Backer était donc ce qu'on pourrait appeler un bibliophile méritant et méritoire pour la librairie ancienne parisienne. Il était juste qu'il fisse (c'est comme ça qu'on dit) partie des dignes élus aux étrennes mignonnes !

Parlons de ce petit volume maintenant. Format 16 x 11 cm environ. Le volume est broché. M. de Backer n'a pas jugé utile (ou bon) de coupé son exemplaire et donc de le lire (les grands bibliophiles ne lisent pas c'est bien connu). Donc, ce volume, resté vierge, se présente comme un petit bijou de typographie mais surtout enrichi d'une illustration originale des plus soignées.

Les treize lithographies par Dillon sont superbes (voir photos). Elles sont ici en double état, à savoir un état sur papier de Chine avant le calendrier imprimé en rouge, et un état définitif sur papier du Japon. Henri Patrice Dillon(*), assez peu connu aujourd'hui, donne ici une belle idée de ce que pouvait produire de mieux la lithographie à la fin du XIXe siècle. Finesse, élégance, douceur et délicatesse du trait, ombrés, bref, une merveille (enfin je trouve).

Je vous laisse apprécier la délicatesse de ce Calendrier parisien pour 1892.











M. L. Conquet avait eu la délicatesse de joindre une de ses cartes de visite dans le volume... elle y était restée depuis... la voici en photo ci-dessous. Elle est restée vierge. M. Conquet gardant toujours un oeil sur son tiroir-caisse donne en quatrième de couverture de ce petit Calendrier la réclame pour l'édition de bibliophiles "En préparation" de "Le myosotis par Hégésippe Moreau. Environ 140 compositions par Robaudi gravées sur bois par Clément Bellenger." La chose est dit !


Je ne connais pas les relations entre M. de Backer et le libraire Conquet, mais il sera amusant d'y revenir en temps utiles car j'ai acheté dernièrement comme je l'avais signalé ici, un important lot de lettres et billets autographes de bibliophiles de cette période et de libraires, dont plusieurs de MM. de Backer et Conquet... à suivre donc...

PS : Qu'on n'aille pas se vexer la rate en pays de bibliophilie ou de librairie sur le ton un tantinet amusé de mon billet... il faut rire de tout... et je prends le parti d'en rire... avec tout le monde...

Bonne soirée,
Bertrand Bibliomane moderne

(*) H.-P. Dillon, peintre et lithographe, né au Consulat de France à San Francisco le 28 novembre 1850 de William Guillaume, consul de France et de Jeanne Amica Anderson en 1851. Il meurt à Paris au 2 rue Ambroise Paré le 16mai 1909. Son père William Guillaume Patrice Dillon est né en 1810 à Armagh en Irlande. Il sera en relation avec Guizot qui, à cette époque, est ministre des Affaires Étrangères et l’envoie comme Consul de France à San Francisco. Le grand père du peintre est Charles Dillon et sa grand-mère Lennon Marie. Sa sœur Amélie Dillon épouse Jacob Paul Calixte, né à Alès en 1841 et décédé à Cesson (77) en 1928. Elève de Pils, de H.Lehmann, professeurs et chefs d’atelier de peinture, de José Frappa, de Carolus Duran et d’Alexandre Cabanel (originaire de Montpellier 1823-1889). Il expose au Salon de Paris à partir de 1876. Tout d’abord il exécute des compositions importantes comme Les Funérailles de Paul Bert, ou La Fondation de l’Ordre des Jésuites dans l’église de Montmartre, œuvres qui sont remarquées. Mais il s’adonne bientôt à des sujets moins solennels et plus conformes à son talent délicat. On lui doit quantité de petites toiles pleines de sentiment et de la plus grande intimité : Jeunes femmes ou Vieillards lisant à la lumière d’une lampe, ou bien des tableaux comme : Une répétition au Théâtre libre, rue Blanche, dans lequel a réuni la brillante phalange d’artistes et d’écrivains qu’Antoine a groupé autour de lui lors de ses débuts directoriaux. Il obtient une mention honorable au Salon de 1890, une médaille de 3 ème classe au Salon de 1892 et il est hors concours, membre du groupe II à l’exposition du centenaire de la lithographie. Il prend part à l’exposition Universelle de 1900 avec une lithographie : La Claque. Dillon prend une place marquante aux Expositions de la Société des Peintres Graveurs chez Durand-Ruel, puis à la Société des Lithographes, dont il fut plus tard vice-président. C’est surtout comme lithographe qu’il est le plus apprécié. Son œuvre, dans ce genre, est absolument remarquable. Sa personnalité s’y affirme avec une grâce charmante et une expression pleine d’esprit. Les lithographies de Dillon furent tirées toutes à petit nombre. Ses lithographies de petits formats dont les titres disent bien l’esprit agréable et léger : Le cirque Fernando, La claque, Le guignol, L’appel des danseuses, Le ponton des bateaux-mouches sur le quai du Carrousel, et cette Répétition au Théâtre Libre qu’abrite aujourd’hui le Musée Renan-Scheffer à Paris, phalange d’auteurs et de comédiens groupés dans la salle de la Rue Blanche autour d’Antoine, leur patron, assemblée de figures réalistes traitées dans des gris précieux à la Manet sur un fond vague et flou. Dillon emploie les mêmes qualités dans les illustrations que pendant de longues années il fournit à la maison d’édition Arthème Fayard. Une cruelle maladie, une angine de poitrine, vint attrister la fin de sa vie. C’est un esprit charmant, fin, délicat, d’une bonhomie pleine d’indulgence et il ne compte que des amis. Dillon est fait Chevalier de la Légion d’Honneur le 22 décembre 1898.

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