dimanche 30 janvier 2011

Safari bibliophilique en terres catalanes.



Bonjour,

Je vous propose aujourd’hui une promenade dans le monde de la reliure monastique des XIVe et XVe siècle. Vous connaissez la différence entre un bon et un mauvais bibliophile ? « Le bon bibliophile, il voit une reliure, il prend sa caméra, il tire ! ». C’est exactement ce que j’ai fait lors d’un court déplacement à Barcelone, au Musée d’Art Catalan, avec cet instinct prédateur des grands fauves !

L’ensemble est classé dans un ordre vaguement chronologique allant du début du XIVe siècle (avec cette curieuse reliure habillée d’un drap attaché aux ais de bois formant une sorte de traine) jusqu’au dernier quart du XVe siècle.

Les reliures sont toutes rigoureusement certifiées d’époque, sans restauration, ni ajout ultérieur.

Les premiers livres imprimés furent des livres religieux ; les connaissances que les moines avaient acquises en faisant leurs Heures et leurs Missels, la nature même des ouvrages allaient faire d’eux les premiers Relieurs. Aussi les plus anciens monuments de l’imprimerie diffèrent-ils peu, quant à la reliure, des manuscrits.


Les cahiers sont cousus sur des nerfs formés de lanières de cuir de porc, dont les extrémités retiennent les ais de bois biseautés qui protègent le livre. Ces nerfs varient à l’infini, quant au nombre et à la disposition ; beaucoup sont formés de deux lanières ou cordes accolées de diverses matières. Quelquefois, sur le même dos, ceux du milieu sont doubles et ceux des extrémités simples ; exceptionnellement, les doubles et les simples alternent.

Recouverts de peau de truie, de vélin, de parchemin, les plus précieuses sont protégées par une autre enveloppe de velours ou de riche étoffe. C’est au cours du 13ème siècle que l’affinement des ais de bois permet aux différents cuirs de s’imposer. La reliure peut aussi être parée de pierres précieuses ou de plaques d’ivoires, on parle alors de reliure d’orfèvrerie.

Presque toutes ont des fermoirs ; quelques-unes, des attaches de cuir et métal ; le plus grand nombre, de simples rubans.

Les outils à gaufrer le cuir étaient employés, avant la découverte de l’imprimerie, par les ouvriers selliers, écriniers, fabricants de plastrons, de cuissards, de ceinturons, etc. Ils n’étaient pas de cuivre comme plus tard, mais de fer ; de là le nom de fers à gaufrer ou à dorer qui est resté aux instruments avec lesquels on couvre les cuirs de dessins divers.

Au quinzième siècle et pendant une partie du seizième, les livres portent souvent des clous d’un haut relief destinés à empêcher le frottement et l’usure des plats ; Ces clous représentent souvent des figures humaines, têtes de lion, etc. Cet usage fut abandonné lorsqu’on fut forcé, les bibliothèques s’augmentant de jour en jour, de mettre les volumes en rayons.

On se sert d’abord d’un très-petit nombre de motifs, presque toujours des fleurons ou des roses gothiques. Ils sont placés dans les angles ; souvent aussi, répétés de distance en distance, ils simulent, par leurs formes et les endroits où ils sont poussés, les têtes de clous qui ont disparu. Quelquefois on les trouvait en semis, tantôt libres, tantôt dans des losanges de filets. Ce genre de décoration s’appliquait à tous les objets pour lesquels on employait le cuir, coffrets, harnais ou livres.

Il est amusant de passer en revue cette série de reliures et d’observer les détails des fermoirs et des plats.

Ce safari-photo, pourtant paisible, inquiétât fort les gardiens du Musée qui se demandaient quel était ce cinglé qui prenait des clichés d’aussi près, sans avoir jamais une vue d’ensemble des œuvres …

Je vous laisse admirer.


























Textor (avec la collaboration de Marius Michel)

vendredi 28 janvier 2011

Le Bibliomane moderne s'interroge : à partir de quelle époque le lavage des feuillets des livres a-t-il été pratiqué en restauration ?


Page de l'édition originale de "Les rayons et les ombres" de Victor Hugo. Paris, Delloye, 1840.
Exemplaire dont le papier a été lavé et réencollé, vers 1890-1900.

Le billet du jour se résumera donc en une simple question qui me tracasse aujourd'hui : à partir de quelle époque le lavage des feuillets des livres a-t-il été pratiqué en restauration ?

Ami(e)s relieur(e)s, restaurateur(e)s, bibliophiles, bibliomanes et autres toqués du bouquin, à vous de me dire votre science en la matière !


Diverses petites poésies du Chevalier d'Aceilly.
Paris, André Cramoisy, 1667, et se donnent au Palais.
1 volume in-12 de 228 pages. Reliure en maroquin vieux rouge.

De quelle époque date cette reliure ??






Photographie sur laquelle on peut voir le papier peigne des doublures et des gardes, la roulette dorée en encadrement intérieur des plats.



Photographie sur laquelle, ainsi que sur les suivantes, on peut voir des notes à l'encre, plus ou moins délavées. Le papier est bien blanc, uniforme en teinte, sans odeur désagréable notable. L'ensemble est évidemment (trop) propre pour dater de 1667 ... ou c'est un miracle de conservation...





Cette dernière photographie montre peut-être un indice important auquel tout d'abord je n'avais pas prêté attention. Sous des notes anciennes du XVIIe siècle, fortement délavées, on lit un nom imprimé à l'aide de caractères typographiques compostés "Prost-Lacuzon" ... peut-être le nom de celui qui a fait réaliser cette reliure et donc faire le lavage... je cherche de mon côté... et malgré les tentatives de lavage des écritures anciennes, on lit facilement à plusieurs endroit la signature d'un certain "Dubois" ??.


Notice du catalogue Aimé Martin. N°444. Vendu 24 francs en maroquin de Niédrée.
Paris, Téchener, 1847.


Bonne journée,

Bertrand Bibliomane moderne

jeudi 27 janvier 2011

Les chansons érotiques de P.-J. de Béranger ornées de quatorze planches gravées à l'eau-forte et coloriées (avril 1926).


AVERTISSEMENT
Contenu explicite.
Certains images de ce billet peuvent heurter la sensibilité de certaines personnes.


Couverture rose imprimée sur papier vergé Ingres.

Une fois n'est donc pas coutume, je vais décrire aujourd'hui un livre qui entre de plein droit dans la catégorie des curiosa rares. Je me suis offert cet ouvrage et je veux remercier ici le libraire qui m'a permis d'en faire l'acquisition.

Prospectus


Il s'agit d'un volume petit in-4 (22,5 x 16,5 cm) de 163 pages. Il a pour titre : "Les chansons érotiques de P.-J. Béranger ornées de quatorze planches gravées à l'eau-forte et coloriées". Publié comme il se doit dans pareil cas, sous le voile d'un éditeur anonyme "Aux dépens d'un amateur", avec la date M. CM. XXIII (1923) sur la couverture. Cette date étant reprise sur la page de titre (voir photo). Ce volume comprend les chansons érotiques du chansonnier Pierre-Jean Béranger (1780-1857), chansons qui ont été publiées pour la première fois en un volume in-8 en 1834, volume qui porte le titre de "Œuvres complètes de P. J. Béranger. Tome V. Supplément. Paris, chez tous les marchands de nouveautés, 1834" et un faux-titre qui suit intitulé : "Chansons érotiques". Ce volume vient compléter l'édition Perrotin en 4 volumes in-8. Il est assez rare et j'ai la chance de posséder un exemplaire complet des 5 tomes en reliure romantique uniforme. Mais revenons à notre volume.

Page de titre avec vignette à l'eau-forte où l'on peut lire le nom de l'illustrateur


L'exemplaire que j'ai en mains est broché, sous une couverture imprimée rempliée de papier vergé rose (voir photo), on retrouve le titre de l'ouvrage et la date imprimés au dos, la quatrième de couverture est vierge. Lorsqu'on ouvre le volume, on découvre avec joie que le prospectus de l'édition a été scrupuleusement conservé, et qu'il nous renseigne sur la date exacte de publication du volume. On lit imprimé en haut : "Pour paraitre en avril 1926" !! La date de 1923 imprimée sur le titre et la couverture est donc fausse. L'édition est antidatée de trois ans ! On trouve aussi sur ce prospectus, le justificatif précis du tirage, repris également au verso du faux-titre. Comme suit : 5 exemplaires sur japon impérial, numérotés 1 à 5 et 250 exemplaires sur vélin blanc de Montgolfier, numérotés de 6 à 255. Le prospectus s'en tient là tandis qu'au verso du faux-titre dans le volume, on lit "De plus, il a été tiré 5 exemplaires de collaborateurs, hors commerce." Le prospectus précise par ailleurs, pour les 5 exemplaires sur japon impérial que chacun sera accompagné d'une aquarelle originale. Le prix est de 900 francs pour les exemplaires sur japon et de 350 francs pour les exemplaires sur vélin. Le prospectus de 4 pages reprend également une chanson en spécimen de l'ouvrage ainsi que le bulletin de souscription, ici resté vierge.

Agrandissement de la vignette à l'eau-forte sur la page de titre


Mais continuons à ouvrir le volume. Il s'ouvre sur un très joli frontispice en couleurs montrant deux femmes en train de lire dans la campagne. Cette eau-forte en frontispice ne compte pas dans les quatorze eaux-fortes annoncées sur le titre (voir photo). Vient ensuite la page de titre. Elle est ornée d'une jolie petite eau-forte en forme de trapèze montrant une tête d'ange ailée et un livre ouvert, le tout dans les nuages. A y regarder de près, de très près... on distingue écrit en vertical sur le livre ouvert le mot "v i r o t" écrit en vertical. C'est là qu'il fallait chercher et trouver la discrète signature de l'illustrateur de ce livre publié clandestinement. Pia, dans sa bibliographie "Les livres de l'Enfer" ne donne pas le nom de l'illustrateur qu'il ne semble pas avoir découvert, pas plus que Dutel d'ailleurs (1193). Je ne connais guère Virot, voire même pas du tout. Nous verrons que son style de dessin, proche de l'esquisse, est tout à fait particulier. Continuons. Viennent ensuite les chansons avec les quatorze eaux-fortes coloriées intercalées et protégées par du papier pelure blanc. Les illustrations ne sont pas comprises dans la pagination.

Dessin original aquarellé, légendé et signé par l'artiste Virot


Le volume se termine par une table des chansons. On n'y trouve évidemment aucun achevé d'imprimer ni nom d'imprimeur. La chose semble restée secrète pour longtemps, à moins de retrouver un jour des documents relatifs à l'impression de cet ouvrage... la chance... peut-être...

Esquisse, dessin original à la mine de plomb, non soigné mais de Virot.
On lit en bas à droite "Bien cordialement" et un nom qui a été gratté.



Ce volume n'a donc été imprimé qu'à 260 exemplaires, petit tirage, qui le rend disons peu commun dans le cénacle des amateurs de curiosa. Actuellement on en trouve à la vente 2 exemplaires. Les deux dans son brochage d'origine et sur vélin blanc (1/250). Le premier est proposé à environ 950 euros et le second à environ 650 euros, chacun par une librairie étrangère.

Frontispice


Tout l'intérêt de mon exemplaire réside dans le fait qu'il s'agit d'un des très rares 5 exemplaires imprimés sur japon impérial. Il porte le numéro 3. Il est enrichi d'un dessin original aquarellé qui a servi pour l'eau-forte intitulée "Accouchement", ainsi que d'une esquisse à la mine de plomb (femme prenant son bain dans une bassine).

Je vous laisse admirer la verve de Virot et son trait bien particulier. Qui connait Virot ? Que pouvez-vous m'en dire ? J'avoue que j'aime bien son trait mais que ce n'est pas mon illustrateur préféré de curiosa. Mais là, l'occasion était trop rare et belle pour passer à côté.

Planche 1


Planche 2


Planche 3


Planche 4



Planche 5


Planche 6


Planche 7


Planche 8


Planche 9
(voir le dessin original qui a servi à réaliser cette planche)



Planche 10


Planche 11


Planche 12


Planche 13


Planche 14


Bonne journée,
Bertrand Bibliomane moderne

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